Le monde d'une prostituée
Vous n'avez pas le droit de répondre
21:53:13 11/12/2012
CHAPITRE I




C’est pendant une très belle journée sombre et brumeuse, comme toutes les autres à Brâkmar, qu’une jeune femme donna la vie à son premier enfant, une fille. Elle décida de l’appeler Mitsuka, parce que Mitsuko était trop commun mais qu’elle voulait quand même garder la signification « enfant de lumière » qui donné un peu de gaieté dans cette cité noire.


Née d’un père inconnu, cette petite a gouté à une enfance ni paisible et calme ni dure et impitoyable, c’était une enfance tout ce qu’il y a de plus normal, avec des hauts et des bas. Sa mère l’élevait comme toutes les mères le font, en la chérissant mais tout en instaurant des limites à ne pas franchir. L’enfant ne savait rien du monde extérieur, de ce qu’il se trouvait derrière ces murs immenses qui entouraient sa ville natale mais elle s’en fichait, tout ce qui comptait pour elle était de vivre avec le seul être qu’elle aimait, sa mère.



Un soir, alors que rien d’extraordinaire ne se passât durant la journée, Mitsu fût gardée par le patron de la taverne du Chabrulé, comme tous les soirs, sa mère travaillant de nuit. Tout aller pour le mieux, si on peut dire : l’ivrogne quotidien grognait comme à son habitude, et commandait toujours plus de bières, les filles de joie commençaient leur ronde en aguichant les quelques passants, et servaient également d’hôtesse à la taverne : « commander quelques verres et on verra pour autre chose après ».
L’espace d’un instant, la petite eût le malheur d’apercevoir sa mère plus loin dans la rue. Folle de joie et se disant que son travail avait dû se terminer plus tôt que prévu, elle agrippât ses affaires et courût à sa rencontre, ce qu’elle n’aurait jamais dû faire et qu’elle regretta ensuite. Plus elle se rapprochait, plus une silhouette se dessinait derrière la mère. Elle n’eût pas le temps de crier quoi que ce soit qu’une dague sanguinolente ressortait déjà de la poitrine de cette dernière. Quelque chose agrippât Mitsu, la soulevât, et la prise dans ses bras. Le patron du Chabrulé l’avait enfin rattrapée. L’enfant pleurait, ne pouvait s’arrêter de crier, de raconter la scène qui s’était déroulée à quelques mètres seulement d’elle. Tout le monde autour d’eux aboyaient, les injuriaient, leur disaient de se la fermer, que ce n’était pas une heure pour réveiller les braves gens qui dormaient bien tranquillement, mais elle ne pouvait se taire, elle n’avait que 5 ans et venait d’assister à l’assassinat de sa mère.
11:34:38 29/12/2012
CHAPITRE II




« Pourquoi avait-on prit sa vie ? Pourquoi elle en particulier ? Pourquoi pas une autre ? Pourquoi ? » Ces questions résonneraient-elle à jamais dans l’esprit de cette petite fille ? Reverrait-elle ce mauvais rêve à chaque fois que ses paupières se fermeraient ?



Les années passèrent et ce n’est que bien plus tard, à l’adolescence, qu’on lui apprît le véritable métier qu’exerçait Phalis, sa mère. Elle n’eût aucune réaction lorsque lui annonça qu’elle se prostituait, cela faisait bien longtemps qu’elle n’éprouvait plus rien à l’égard de quoi que ce soit. Un client mécontent l’aurait tuée ? La belle affaire … Sa vie à elle continuait, elle ne s’en plaignait pas, elle avait tourné la page. Non pas qu’elle se fichait de se qu’il était arrivé à sa mère, loin de là, mais elle voyait tellement de crimes en tout genre dans les rues de la cité, qu’un de plus ou de moins ne changerait rien. Ce qui était fait était fait, personne ne pouvait revenir en arrière pour changer ça, pas même le Xélor le plus puissant.


Elle vivait maintenant avec le patron, qui l’avait pratiquement adoptée depuis cette fameuse nuit. Durant la journée, elle s’entrainait à faire de Brâkmar son terrain de chasse : bourses, bijoux, objets en tout genre, tout y passer, tous ce qu’elle pouvait trouver dans les poches des personnes qu’elle croisait. Et le soir, elle travaillait à la taverne, avec une employée, une certaine Bruli Ounim, pour aider à faire toutes sortes de tâches, que ce soit le service, la plonge ou encore le nettoyage des crasses des clients, et également pour « payer » la chambre où elle logeait et qu’on ne lui avait jamais demandée de régler.


Tout aller pour le mieux, si on peut dire. L’ivrogne était toujours là, toujours assis à la même place tous les soirs, toujours à grogner, toujours à commander des dizaines de chopes à la fois. A Bonta, jamais quiconque n’accepterait de servir ne serait-ce qu’une chopine à un homme déjà plein, mais ici, tant qu’il y a de l’argent à gagner, on sert ! Le client n’est-il pas roi ? Toutes les tavernes de Brâkmar vous le diront : la seule chose que l’on vérifie avant de servir, c’est qu’il y a l’argent pour payer, après qui l’on sert, son état physique, psychologique, ou n’importe quoi d’autre, n’a aucune importance.



Tout aller bien, et pourtant, qui pouvait prévoir que quelqu’un allait encore mourir dans l’entourage de l’adolescence ? Surement pas elle, qui pensait avoir enfin retrouvé une vie tranquille.
C’est après une journée tout ce qu’il y avait de plus banale que quelque chose se passât. En rentrant pour prendre son service à la taverne, Mitsu trouva l’ivrogne devant la porte, entrain de crier, d’aboyer devant cette porte close pour que quelqu’un vienne lui ouvrir, apparemment la taverne était fermée, ce qui n’était pas prévu et vraiment pas courant. Elle prit sa clé, l’enfonça dans la serrure, empoigna la clenche, ouvrit la porte, entra à l’intérieur et la referma avant que l’ivrogne ne réussisse à entrer à son tour. Bruli était assise à une table, sanglotant, les yeux rouges noyés dans ses larmes, un papier serré dans sa main droite. En voyant la jeune fille arriver, celle-ci ne pût s’empêcher de pleurer de nouveau. Mitsu se pencha auprès d’elle, et prit tant bien que mal le papier que la main crispée de Bruli ne voulait lâcher. On pouvait alors y lire :




Croyant à une mauvaise blague, Mitsuka ne pouvait y croire, pourtant la serveuse lui affirma l’authenticité du document, des gardes l’ayant apporté plus tôt dans l’après-midi. Sans perdre une seconde, Mitsu prit le bras de sa compère, l’obligeant à se lever et en moins de deux minutes elles étaient arrivées à la Milice et étaient toutes deux devant le visage sans vie de leur patron, entourées de quelques gardes.


Après avoir passé quelques heures avec un garde pour comprendre la situation, savoir pourquoi Ounim était allé en dehors de la cité, qui plus est seul, et pourquoi avait-il été retrouvé poignardé, elles finirent par rentrer chez elles. Bruli avait confié au garde que son oncle était parti avant l’ouverture, lui affirmant avoir une course à faire. Mitsu n’en revenait toujours pas, pour elle, personne n’en voulait à cet homme, il était aussi honnête que les trois quart des habitants de Brâkmar, en effet il était comme toute la population, il magouillait, mais sans plus, il ne s’attaquait jamais aux gens qu’il savait hors de sa portée. Bref, elle ne comprenait rien ! Ne pouvant pas dormir, elle s’éclipsa de sa chambre pour aller fouiner dans celle de son mentor. Qu’allait-elle y trouver ? Elle ne le savait pas mais elle essayait de se convaincre qu’il n’y aurait rien, ou en tout cas rien en rapport avec son meurtre. Et pourtant, au fin fond de la table de nuit était cachée une lettre, adressée au nom de l’adolescence.


15:14:41 29/12/2012
CHAPITRE III




Le jour se levait, elle n’avait pas dormi. Elle était entrain de préparer le petit-déjeuner dans la cuisine lorsque Bruli arriva, les yeux encore rouge. Les deux jeunes femmes avaient passés apparemment le même genre de nuit très joyeuse. Elles déjeunèrent sans un bruit à part peut-être celui des ailes d’une mouche vers les poubelles. Sitôt fini de manger et de ranger la nourriture, et avant que Bruli ne décide d’aller préparer le bar pour l’ouverture, Mitsu déballa la lettre sur la table devant sa comparse, ajouta qu’elle allait s’en aller et parti vers les escaliers afin de préparer ses affaires.


Ses quelques vêtements et objets en tout genre empaquetées et ses dagues à la ceinture, elle redescendit cinq minutes plus tard. Bruli était toujours assise, le regard plongé sur le papier qu’elle avait en main. Elle n’allait pas retenir Mitsu, elle savait que cela ne servirait à rien, qu’elle était décidée et que personne ne pourrait la faire changer d’avis. La Sram ouvrit la porte de la cuisine, à l’arrière de la taverne, donnant sur la ruelle, et lâcha un « ils vont payer, je te le jure » et disparu dans la citée.


Bruli Ounim, nouvellement promue au rang de patronne du Chabrulé fit l’ouverture du bar comme son nouveau statut le préconisait laissant la lettre encore visible sur la table de la cuisine où était écrit :


« Ma fille,

Je sais que tu en as bavé depuis la mort de ta mère et je sais comme Phalis te manque, mais je suis tout de même content et fière d’avoir eu la chance de te voir grandir et devenir la jeune Sram que tu es devenue. Je suis certain que ta mère serait tout autant fière de toi, tu étais tout pour elle.

Je suis tout de même déçu de n’avoir pu vivre que 10 années à tes côtés mais que veux-tu, le destin en a voulu ainsi.

Si tu lis ceci c’est qu’on m’a malheureusement tué et vous devez, toi et ta sœur, vouloir en savoir la raison, c’est pourquoi j’ai écrit cette lettre. Tout d’abord, promets moi de ne pas prendre la mouche et de ne pas t’énerver sur moi, après tout je suis mort alors laisse mon esprit en paix jeune effrontée ! Et promets moi aussi de prendre soin de Bruli, elle doit avoir beaucoup pleuré et tu l’as connais, elle est fragile, console la au mieux même si je n’avais pas besoin de te le dire pour que tu le fasses tout naturellement j’en suis sûr.


Cela fait 10 ans que j’enquête sur la mort de ta mère. Son meurtre n’a jamais été élucidé et je ne peux le tolérer. J’ai appris plusieurs choses : premièrement elle ne se prostituait que pour quelques personnes, la liste de ses clients est assez courte, j’en ai retrouvé une petite dizaine, tout au plus, et deuxièmement ses clients étaient tous sans exception des gens de la haute royauté de Brâkmar.

Je n’ai pas réussi à retrouver son meurtrier mais d’après mon enquête, il avait juste été embauché pour cela, ce n’était qu’un mercenaire à la solde de quelqu’un d’autre. D’ailleurs ses services ne sont pas donnés, aucun brâkmarien lambda ne pourrait se les payer, même un Enutrof n’aurait pas assez de sa fortune cumulée durant toute sa vie. J’en viens alors à l’une de mes conclusions : son meurtre a été prémédité par des personnes très haut placées. Maintenant savoir lequel de ces bourges, là est toute la question.

J’ai donc tout fait pour savoir qui était le donneur d’ordre. J’ai mis quelques années mais j’ai réussi à connaître son identité, malheureusement il s’est reclus quelque part dans le monde, bien à l’abri. Toutes ses informations m’ont coûté cher, c’est d’ailleurs pour cela que les kamas manquent à la taverne, excuse moi pour cela auprès de Bruli s’il te plait.

Je me suis fait des ennemis en fouinant dans ce qui ne me regardait pas, et on n’a pas tardé à me dénoncer c’est pourquoi j’ai souhaité que l’on vous laisse en dehors de cela. On m’a tué, oui, mais nous avons conclu un accord, je donne ma vie pour que vous gardiez la votre. On m’a donné rendez-vous en dehors des murs de la ville, je dois m’y rendre dans une heure, ce sont donc mes derniers instants.

Je souhaite que vous profitiez de vos vies, gardez le sourire, vous êtes toutes les deux de jeunes et belles femmes, je vous aime. »