23:29:47 18/06/2023
Il n’y a pas si longtemps, sur une île céleste pas si lointaine que ça, vraiment pas si lointaine que ça…
Incarnam, berceau des jeunes aventuriers. Là où tout commence et recommence. Les premiers équipements, les premières armes, les premiers combats. Nombreux étaient ces enfants, fils d’agriculteur ou d’ouvrier, qui rêvaient de grandeur sur cette petite île si envoûtante. La fraîcheur de liberté, le vent d’un départ, le souffle d’une quête. Comme un murmure, elle atteignait l’âme de ces innocentes puretés de la nature. Loin des champs, loin des lacs, loin du cimetière, résidait un jeune garçon dans un cabanon qui peinait à tenir debout. Fort heureusement, aucun orage ne survenait sur cette île céleste.
Affalé sur un matelas trouvé dehors il y a de celà quelques mois, Mitth’raw’nuruodo feuilletait les pages des diverses créatures peuplant l’île d’un air moyennement fasciné. L’aventure ne l’intéressait pas. Du moins, pas autant qu’un autre. Il en avait vu partir de cette île pour ne plus jamais les revoir. Pas une lettre, rien. Ces mêmes amis qui avaient sauté le pas, descendant ainsi de ce cul-de-sac afin d’accomplir leur destiné, qu’étaient-ils devenus ? Étaient-ils restés soudés et heureux ? Avaient-ils achevé leur voyage ? Thrawn n’en avait aucune idée, mais cela ne lui effleurait pas l’esprit de les rejoindre. Se contenter de peu, et non de jalouser son voisin, n’était-ce pas là, la clef pour ne pas être malheureux ? Si étroite comme vision que celle de ne pas avoir d’ambition.
Jetant un œil par la petite fenêtre, il soupira. Refermant son livre, l’être à la peau bleue le posa en vrac sur la paillasse avant de se diriger vers un écran cathodique. L’intérieur du cabanon n’était guère accueillant. Diverses sortes de vaisseaux ornaient le plafond. L’un d’eux ressemblait à une lune portant une parabole. Quelques figurines d’extraterrestres montraient un certain intérêt de ce garçon envers le voyage spatial. Peut-être était-il un rêveur abattu.
Observant l’écran comme une bête curieuse, Mitth’raw’nuruodo prit un objet s’apparentant à une manette. Jaugeant l’intérieur de cette étrange boîte électronique qu’il avait lui-même conçue, il s’était imaginé une vie sur une autre planète, avec des règles différentes du monde où il avait vécu. Un univers où la planète était aussi isolée que la sienne, loin de ces guerres spatiales dont il était si fanatique. Des créatures étranges au visage ressemblant à ceux vivant sur Incarnam. Il avait créé des bêtes, des “chiens”, des “chats”. Le Sacrieur s’était même inventé son personnage, un humanoïde qu’il avait appelé Gabriel, car il trouvait que celà sonnait bien. Par cette création, il s’était implanté sa propre personnalité, et sa vision étroite du bonheur.
Thrawn passait son temps à l’observer. Avec l’espèce d’intelligence artificielle qu’il y avait intégré, il se divertissait en appréciant son évolution. L’humain mâle avait maintenant vingt huit ans, en couple avec une femelle dans une maison bien plus grande que son propre cabanon. Il travaillait dans un lieu semblant offrir une grande redistribution à ses semblables. Les journées paraissaient toutes se ressembler, comme les siennes, mais le Sacrieur avait remarqué que le monde qu’il avait créé épuisait la plupart de ses habitants. Peut-être était-ce ce système qu’il appelait “Capitalisme” qui en était la cause.
Soupirant une dernière fois en emmagasinant à la fois sa propre fatigue et celle de son personnage, Thrawn éteignit l’écran cathodique. Sortant alors, il avait en tête de taper quelques bouftous pour son repas du midi. Il croisa sur le chemin un vieil homme squelettique qu’il lui demeurait inconnu. Semblant visiblement dans un mal être présent, le Sacrieur s’approcha de lui.
“- Que vous arrive-t-il vieil homme, je peux peut être vous aider ?
- Non…” lui répondit-il. “Je sens la fin arriver.
- La fin ?
- Je sens mon heure arriver. Les regrets m’accablent, j’ai décidé de sortir. Il est trop tard.”
Thrawn resta un long moment silencieux. Il lui parût évident que ce Sram perdait complètement la boule.
“- Je vais vous chercher de l’eau pour vo-
- NON ! Ecoutez moi !” S’agaça-t-il en lui agrippant le bras pour l’empêcher de partir. “Vous êtes encore jeune, ne faites pas les mêmes erreurs que j’ai pu faire…
- Je vous écoute.”
Étrangement, il eut une réaction anormale mais l’aura que dégageait l’être meurtri attirait sa curiosité.
“- Je vous voyais… Du haut de mon logis. Vous étiez avec ces enfants qui sont partis… Pourquoi ne pas les avoir suivis ?
- Je-”
Il se coupa, complètement pris au dépourvu.
“- Vous sembliez heureux, tous. Pourquoi n’êtes vous pas resté avec eux ? La peur est le démon qui vous empêche d’avancer, si vous ne saisissez pas l’instant, l’opportunité, il ne vous restera que les regrets. Croyez-moi, ce qui compte, ce n’est pas la destination, c’est le voyage. Je l’ai compris trop tard, mais vous…”
La voix du Sram s’étouffait davantage avant de paraître inaudible. Thrawn ressentit le relâchement sur son bras et bientôt le corps ne bougeait plus. Le Sacrieur soupira devant toute cette scène. S’il y avait bien une chose qui manquait dans ce monde, c’était l’entité qu’il avait appelé “Hôpital” dans sa propre utopie. L’avantage, c’était bien qu’avec le corps du Sram, les vers n’auraient rien à manger. Malgré la folie du vieillard, qui aurait pu simplement lui dire “hack mon compte pour regarder mon journal de quêtes”–ce qui aurait été mieux–, Mitth’raw’nuruodo avait perçu les paroles sages qu’il avait besoin d’entendre. Revenant au cabanon après avoir laissé le cadavre d’os à ronger aux bouftous, il décida de suivre son impulsivité, le poussant à faire ses bagages pour partir à l’aventure. Il était peut-être trop tard, mais retrouver les siens l’enchantait grandement. Un étrange sentiment le prit. La nostalgie, la sérénité. Le rire aussi, et cela faisait bien longtemps qu’il ne l’avait plus.
Dévalant le chemin menant au portail transportant à Astrub, le sourire s’afficha plus nettement sur son visage. Il avait hâte de revoir ses amis et de découvrir les nouveaux camarades qu’ils s’étaient faits. L’aventure, allait-elle continuer ?
Incarnam, berceau des jeunes aventuriers. Là où tout commence et recommence. Les premiers équipements, les premières armes, les premiers combats. Nombreux étaient ces enfants, fils d’agriculteur ou d’ouvrier, qui rêvaient de grandeur sur cette petite île si envoûtante. La fraîcheur de liberté, le vent d’un départ, le souffle d’une quête. Comme un murmure, elle atteignait l’âme de ces innocentes puretés de la nature. Loin des champs, loin des lacs, loin du cimetière, résidait un jeune garçon dans un cabanon qui peinait à tenir debout. Fort heureusement, aucun orage ne survenait sur cette île céleste.
Affalé sur un matelas trouvé dehors il y a de celà quelques mois, Mitth’raw’nuruodo feuilletait les pages des diverses créatures peuplant l’île d’un air moyennement fasciné. L’aventure ne l’intéressait pas. Du moins, pas autant qu’un autre. Il en avait vu partir de cette île pour ne plus jamais les revoir. Pas une lettre, rien. Ces mêmes amis qui avaient sauté le pas, descendant ainsi de ce cul-de-sac afin d’accomplir leur destiné, qu’étaient-ils devenus ? Étaient-ils restés soudés et heureux ? Avaient-ils achevé leur voyage ? Thrawn n’en avait aucune idée, mais cela ne lui effleurait pas l’esprit de les rejoindre. Se contenter de peu, et non de jalouser son voisin, n’était-ce pas là, la clef pour ne pas être malheureux ? Si étroite comme vision que celle de ne pas avoir d’ambition.
Jetant un œil par la petite fenêtre, il soupira. Refermant son livre, l’être à la peau bleue le posa en vrac sur la paillasse avant de se diriger vers un écran cathodique. L’intérieur du cabanon n’était guère accueillant. Diverses sortes de vaisseaux ornaient le plafond. L’un d’eux ressemblait à une lune portant une parabole. Quelques figurines d’extraterrestres montraient un certain intérêt de ce garçon envers le voyage spatial. Peut-être était-il un rêveur abattu.
Observant l’écran comme une bête curieuse, Mitth’raw’nuruodo prit un objet s’apparentant à une manette. Jaugeant l’intérieur de cette étrange boîte électronique qu’il avait lui-même conçue, il s’était imaginé une vie sur une autre planète, avec des règles différentes du monde où il avait vécu. Un univers où la planète était aussi isolée que la sienne, loin de ces guerres spatiales dont il était si fanatique. Des créatures étranges au visage ressemblant à ceux vivant sur Incarnam. Il avait créé des bêtes, des “chiens”, des “chats”. Le Sacrieur s’était même inventé son personnage, un humanoïde qu’il avait appelé Gabriel, car il trouvait que celà sonnait bien. Par cette création, il s’était implanté sa propre personnalité, et sa vision étroite du bonheur.
Thrawn passait son temps à l’observer. Avec l’espèce d’intelligence artificielle qu’il y avait intégré, il se divertissait en appréciant son évolution. L’humain mâle avait maintenant vingt huit ans, en couple avec une femelle dans une maison bien plus grande que son propre cabanon. Il travaillait dans un lieu semblant offrir une grande redistribution à ses semblables. Les journées paraissaient toutes se ressembler, comme les siennes, mais le Sacrieur avait remarqué que le monde qu’il avait créé épuisait la plupart de ses habitants. Peut-être était-ce ce système qu’il appelait “Capitalisme” qui en était la cause.
Soupirant une dernière fois en emmagasinant à la fois sa propre fatigue et celle de son personnage, Thrawn éteignit l’écran cathodique. Sortant alors, il avait en tête de taper quelques bouftous pour son repas du midi. Il croisa sur le chemin un vieil homme squelettique qu’il lui demeurait inconnu. Semblant visiblement dans un mal être présent, le Sacrieur s’approcha de lui.
“- Que vous arrive-t-il vieil homme, je peux peut être vous aider ?
- Non…” lui répondit-il. “Je sens la fin arriver.
- La fin ?
- Je sens mon heure arriver. Les regrets m’accablent, j’ai décidé de sortir. Il est trop tard.”
Thrawn resta un long moment silencieux. Il lui parût évident que ce Sram perdait complètement la boule.
“- Je vais vous chercher de l’eau pour vo-
- NON ! Ecoutez moi !” S’agaça-t-il en lui agrippant le bras pour l’empêcher de partir. “Vous êtes encore jeune, ne faites pas les mêmes erreurs que j’ai pu faire…
- Je vous écoute.”
Étrangement, il eut une réaction anormale mais l’aura que dégageait l’être meurtri attirait sa curiosité.
“- Je vous voyais… Du haut de mon logis. Vous étiez avec ces enfants qui sont partis… Pourquoi ne pas les avoir suivis ?
- Je-”
Il se coupa, complètement pris au dépourvu.
“- Vous sembliez heureux, tous. Pourquoi n’êtes vous pas resté avec eux ? La peur est le démon qui vous empêche d’avancer, si vous ne saisissez pas l’instant, l’opportunité, il ne vous restera que les regrets. Croyez-moi, ce qui compte, ce n’est pas la destination, c’est le voyage. Je l’ai compris trop tard, mais vous…”
La voix du Sram s’étouffait davantage avant de paraître inaudible. Thrawn ressentit le relâchement sur son bras et bientôt le corps ne bougeait plus. Le Sacrieur soupira devant toute cette scène. S’il y avait bien une chose qui manquait dans ce monde, c’était l’entité qu’il avait appelé “Hôpital” dans sa propre utopie. L’avantage, c’était bien qu’avec le corps du Sram, les vers n’auraient rien à manger. Malgré la folie du vieillard, qui aurait pu simplement lui dire “hack mon compte pour regarder mon journal de quêtes”–ce qui aurait été mieux–, Mitth’raw’nuruodo avait perçu les paroles sages qu’il avait besoin d’entendre. Revenant au cabanon après avoir laissé le cadavre d’os à ronger aux bouftous, il décida de suivre son impulsivité, le poussant à faire ses bagages pour partir à l’aventure. Il était peut-être trop tard, mais retrouver les siens l’enchantait grandement. Un étrange sentiment le prit. La nostalgie, la sérénité. Le rire aussi, et cela faisait bien longtemps qu’il ne l’avait plus.
Dévalant le chemin menant au portail transportant à Astrub, le sourire s’afficha plus nettement sur son visage. Il avait hâte de revoir ses amis et de découvrir les nouveaux camarades qu’ils s’étaient faits. L’aventure, allait-elle continuer ?
Mitth-raw-nuruodo.