Souffles et Cendres
Vous n'avez pas le droit de répondre
01:27:06 16/04/2010
La hantise.

La hantise du passé, de par son esprit, sa vie, ses illusions, ainsi que des tragédies. Ecorché par de nombreuses lames éthérées, lui entaillant la pensée une par une. Les larmes de sang, invisible à l'oeil nu. Mais lui, il les voyait. Il les voyait clairement. Son passé, sa vie... Ils pleuraient le sang de toutes ces personnes, toute cette destruction... Et lui, pourtant fort physiquement, était faible émotionnellement. Un voile de sévérité, d'autorité, de dureté. Un meneur d'homme de la plus haute trempe, se diront certains. Mais connaissent-ils l'histoire de l'homme derrière le masque? Connaissent-ils ce qu'il a traversé comme épreuves pour en arriver là? Connaissent-ils Malagar, au final?
Mais qui est-il? Maintenant, allons dans les Abysses de l'oubli, de la noirceur, et de la décadence, cherchez dans la bibliothèque des tourments le livre du passé du chevalier, du guerrier, du Cyclone qu'il incarne...


Il pêchait dans un petit étang. L'insouciance enfantine, sans doute. Son esprit était perdu dans des rêveries aussi grandes que la forêt des Abraknydes elle-même. Il n'allait pas à l'école aujourd'hui. Il n'aimait pas ça. Ses copains de classe le ridiculisait sans cesse. C'était un petit Iop au cheveux vermeille, un certain contraste marqué au niveau de la rousseur souvent prêtée à la chevelure légendairement Iopesque des Disciples. Il était loin d'être habile au combat, loin d'être fort en soit, et loin d'être aussi bête que ses camarades Iop. Un trait hérité de sa mère, Mariona, une Fécatte qui travaillait dans les champs comme paysanne, pour approvisionné la boulangerie du petit village. Blé et avoine était envoyé à la fabrique de Hogousse D'Haï, le maître boulanger, connu par tout le monde pour ses petits pains chaud, sa petite voix, et la puissance, inversement proportionnelle au reste, de son haleine. Certains disaient même qu'il pouvait réveillé l'Abraknyde Ancestral, simplement en soufflant dans les narines d'écorces moisies de ce dernier.

Mais le petit se sentait seul. Aucun ami, copine, rien. Il s'enfermait dans son petit monde imaginaire, là où il était fort, grand, et un héros au yeux de tous, défendant avec fierté et acharnement son village des vagues d'ennemis voulant la destruction de ce dernier. Porteur du flambeau d'un peuple, aussi minime soit ce fameux groupe, fendant le vent avec des coups d'épées imparables, précis, et destructeurs. Enfin, il n'était quand même pas si seul que ça : Il y avait son père, Talgar, sa mère, Mariona, et son arrière-grand-père Engor. Une petite maison. Mais il y avait un soucis. L'absence de ses parents. Sa mère était souvent occupée avec le travail dans les champs et la lecture, tandis que son père était souvent à l'écart du village, guerroyant contre les ennemis de Bonta dans de vastes contrées obscures. Il ne restait qu'au final le vieil Enutrof, qui semblait impassible aux assauts du temps. Lui, il s'occupait de Malagar, le petit rêveur. Il le faisait rêvé, et rire, avec ses bêtises, et ses légendes loufoques le mettant en scène, lui et le petit Iop. Du haut de ses huit ans, il regardait son ancêtre qui, contrairement aux autres anciens du village, bouger. Il bougeait encore! Le petit était souvent extasié de voir son arrière-grand-paternel courir, rire, parler, et surtout manier sa pelle dans la clairière en cachette, tandis que les autres ne faisaient que manger, faire leurs besoins, roupiller des dizaines de fois par jour, et compter leurs heures de leur médiocre existence. Cette fougue, cette vigueur. Cela l'inspirait profondément, et le faisant sourire dans les moments difficiles.

Il sentit sa ligne bouger, et commença à lutter pour son équilibre. Il tira sur la canne, et s'accrocha, en tirant de toutes ses forces d'un seul coup. Un goujon. Son premier. Il était fier de lui. Pour une fois qu'il accomplissait quelque chose avec la seule force de son corps, après tout. Il sautilla partout, surexcité. Il prit un petit bocal, le remplit de l'eau mi-opaque de la petite étang, et mit le jeune goujon dedans. Il allait le montrer à son arrière-grand-père, et sa mère également. Et puis, il se souvenu que Talgar devait revenir de la guerre aujourd'hui. Il en frémit. Malagar allait enfin le revoir. Il posa le bocal par terre, et prit son sac d'écolier, duquel il prit sa petite épée en bois que Van Dayhécorse, le gros et gras bûcheron poilu du village de Gaulmes, lui avait gracieusement offert, et gratuitement en plus, à son dernier anniversaire, malgré les protestations acharnées de Mariona. Il courra, l'épée en main, au milieu du champ entourant Gaulmes, et stoppa net. Il donnait des coups dans le vide, et parfois en fauchant de l'herbe haute sur son passage.

- Tremblez, car je suis plus fort, plus courageux que vous tous réunis. Vous ne m'aurez pas, bandes de Bworks! Yaaaaaaaa!

Il faucha tout sur son passage en courant, en poussant des petits cri guerriers, ponctués de quelques rires d'enfant. Et puis, sur son chemin de destruction végétal, il croisa un pauvre arbuste, seul et entouré par les herbes envahissantes. Il leva son épée en l'air, en jurant qu'il allait le sauver de tous ces malfrats. Il frappa et tailla parmi la végétation herbeuse, jusqu'à temps que la très jeune pousse de chêne puisse être libre. Il poussa un cri de victoire, en regardant le ciel. Il se tut, et regarda tout autour de lui. Le soleil se couchait.C'était formel; il devait rentré à la maison et vite. Une maman inquiète est souvent une maman en colère. Et il ne voulait pas qu'elle le sermonne. Il avait dit de sa mère, à Engor, un jour : «Ses sermons sont encore plus long que les discours en classe de l'institu... L'institutra... L'institu-chose.». Il revenu au petit plan d'eau, mit son jouet dans son sac, l'endossa, en prenant soin d'apporter le bocal avec lui, qu'il ferma. Et il gambada rapidement. Quelle journée, tout de même. Il allait pouvoir se venter de ses exploits à son arrière-grand-paternel, et il en allait probablement s'en servir pour une autre de ses légendes rigolotes et épiques. Il avait hâte de revenir à la maisonnette.

Puis, il vu un étranger près de la porte de la maison, qui s'apprêtait à cogner à la porte. Il était affublé d'un costume de milicien, et il avait des cheveux longs noirs, attachés en queue de cheval. Le jeune Malagar alla se poster au pied du militaire, et tira sur la tunique. Le grand monsieur ne réagissait pas. Le minuscule Iop insista en tirant sur la tunique de nouveau. Cette fois-ci, il réagit, et tourna la tête sur le côté. Il semblait chercher quelqu'un. Malagar le dévisageait de ses grands yeux d'enfant curieux. Ronds, et insistants. Le milicien baissa la tête et vu l'enfant. Il avait l'air surpris de le voir.

- B'soir, m'sieur! Z'êtes qui, vous? Et vous voulez quoi, au juste?

- Et bien... J'suis qu'un passant, venu dire bonjour par hasard, mon petit garçon! Allez, zou, files avant que j'm'énerve, répondit-il, sur un ton passablement irrité.

Malagar, avec le bocal en main, tourna les talons, après avoir préalablement tirer la langue au «gros méchant» visiteur. Il alla se cacher derrière un tonneau recueillant l'eau de pluie, tout près de la porte. Le milicien n'y avait pas prêté attention, et donc, le jeune enfant pouvait observer la scène en toute discrétion. Le grand militaire cogna à la porte. Puis, il prit la parole, après avoir saluer son interlocutrice.

- Bonsoir, madame. Je suis le Capitaine Rokse, du 4e détachement du Corps armé Bontarien. C'est à propos de votre mari, Talgar, Lieutenant dans le 12e détachement...

Il fit une pause, et racla la gorge. «Ouais, il parle de papa! Chouette!», dit en chuchotant Malagar, pour lui-même. Cependant, sa courte instant de joie fut interrompu, quand le grand guerrier afficha soudainement un air grave. Il déglutit.

- Sa section rentrait d'une mission d'éclaireur dans les Landes de Sidimote, et ils furent prit dans une embuscade par des Guerriers de Brakmâr... Tout le monde fut tué dans cette attaque. Et cela comprend votre mari... Désolé, madame. Talgar est décédé. La milice envoie ses plus sincères condoléa...

Malagar devint figé, horrifié. Les yeux aussi grand qu'une pomme, il tremblait. Les mots ne parvenaient pas à se glisser dans ses oreilles. Le temps venait de se figer. Puis, il laissa tomber son sac et son bocal par terre. Choc. Fracas. Décès. Ces mots trottaient et repassaient l'un après l'autre dans la tête du jeune Iop. Puis... Il hurla. Il hurla ses émotions, et les larmes se transformèrent vite en rivière d'eau saline. Il se leva, et courra, sans destination, face à lui. Il courra, et courra sans s'arrêter. Son chagrin et la douleur était le moteur qui activait ses petites jambes au travers de sa course effrénée vers le néant. Puis, un ennemi rocailleux lui bloqua le pied, il tomba dans l'herbe, à plat ventre. Il ne bougea plus d'un poce. Les torrents de larmes ne cessaient pas, ils étaient déchainés. Puis, dans un râle de douleur, de souffrance psychologique, il lâcha :

- Papaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa! Noooooooooooooon...!
01:27:57 16/04/2010
Plusieurs semaines passèrent, suivant la mort de son paternel. Le petit bonhomme enjoué n'était plus. Tout ce qu'il restait n'était qu'une enveloppe de tristesse, et de rage.

A la moindre provocation des autres jeunes, il attaquait, sans avertissement, sans même dire un mot. Il vagabondait dans les champs presque toujours, à la recherche d'un semblant de quelque chose dans ce grand vide qui l'habitait. Sa solitude pesait de plus en plus lourd. Mariona avait lâché quittée la demeure familiale, pour s'établir le plus loin possible dans le village. Elle avait trouvée refuge dans une vieille chaumière insalubre, et mangeait à peine. Elle n'osait plus rien faire. Au lieu de se battre contre ce désespoir, aider son propre fils avec son calvaire, elle avait fuit.

Malade de chagrin et d'amour, elle ne sortait plus de sa chaumière. Elle vivait en recluse, et hurlait des insanités lorsqu'un passant daignait cogner à sa porte. Si bien que le chef du petit village, Paul Hitissien, avait dû demander à un paysan passant de s'établir ici en lui proposant ses propres champs, en échange de quoi il ferait l'approvisionnement de la boulangerie d'Hogousse. Il faut d'ailleurs noter que l'équilibre Gaulmien était fragile : Si un maillon était manquant, tout les habitants en pâtirait. Cette histoire de maillon était une chose qu'Engor savait très bien. Il dû donc prendre la garde entière du petit Iop, malgré ses tentatives répétées de remettre la Fécatte sur le droit chemin. Le vieil Enutrof était assis sur un banc, hors de la maison, en train de réfléchir à la situation. Talgar mort physiquement, Mariona morte spirituellement. Que faire? Après mûres réflexions, il se leva, et se dirigea vers la maison du maire pour l'informer de ses plans d'avenirs. Le chef fut quelque peu surpris, mais hocha de la tête, compréhensif. La discussion fut d'ailleurs très brève.

« Bon, on dirait qu'j'suis la dernièr' personn' qu'il t'rest', gamin. A partir d'maintenant, j'vais t'élever du mieux qu'j'peux... »

C'est à ce moment précis, lorsqu'il se retourna, qu'il vit Malagar marcher, les yeux vides, en direction de la maisonnette. Engor décolla, et alla près de lui. Le jeune Iop avait les jointures ensanglantées. Le vieillard soupira. Ce n'était pas la première fois qu'il s'amochait autant, et la scène se reproduisait à un rythme régulier. Malagar allait souvent aux abords de la forêt, et frappait de toute sa maigre force juvénile sur le premier arbre qu'il croisait jusqu'à l'épuisement totale. Il avait même dû intervenir, une fois, pour éviter qu'il ne s'évanouisse. Cela l'inquiétait. Le vieux prit lentement le jeune dans ses bras, et rentra à la maison. Il le déposa sur une couchette, en position assise. Il se joua dans la barbe, en observant les poings meurtris de l'enfant. Il soupira, puis, alla chercher le regard perdu du Iop. «Faut l'distrair'... J'ai un' idée.» Soudainement, le vieillard commença à faire crépiter l'air, en se concentrant fortement. Cela avait attiré l'attention du jeunot, qui affichait maintenant un regard curieux, et surpris. L'Enutrof pris une position de force, les jambes légèrement écartées, les yeux fermés, et les paumes de ses mains dirigées vers Malagar. Une lueur étrange se dessina sur le sol, et derrière Engor, une vague d'énergie apparut progressivement, laissant entrevoir la mystique et hasardeuse Boite de Pandore Enutrof qui se dessinait. Puis, d'un coup, cette même énergie atteignit les mains de Malagar brutalement. Le sang s'évapora, les écorchures et les lésions disparurent en un coup. Le gamin regarda le résultat, le regard remplit de stupéfaction et de surprise dirigé vers ses mains. Ils étaient comme neuf. Ses yeux brillaient à nouveau. Engor reprit une pose normale, souriant. Il tapota le crâne du Iop et fit un sourire chaleureux et bienveillant, en lui chuchotant de bonnes paroles.

- Wahhhh! Comment t'as fait ça, pépé?, s'exclama Malagar, encore surpris par le tour de son arrière-grand-père.

- L'vieux a toujours quelqu' tours dans son sac animé, mon petit gars. Encor' heureux, AH! D'ailleurs, si tu es sag', Pépé Engor t'montrera d'quel pell' il est fait, dans la clairièr'. D'accord, petit?

Le jeune Iop hocha énergiquement de la tête, avec un sourire. Il semblait ne plus se soucier de rien, comme si ce sort et cette promesse lui avait pansé partiellement ses blessures psychologiques. Et puis, Engor lui raconta une autre légende, dans lequel il racontait que lui et le jeune Iop avaient sauvés le roi Allister du grand et terrible Poissaï, le goujon géant des mers d'Astrub. Et sur la conclusion qu'ils festoyèrent avec le roi en mangeant des gely et du pain à l'aïl Déh'boi, le petit Iop s'endormit paisiblement sur la couchette semi-confortable. Engor alla chercher silencieusement une couverture, et le recouvrit délicatement de la chaude et douce étreinte de celui-ci. Il bailla, puis, alla lui aussi se coucher tranquillement dans un lit, laissé vacant par les parents de Malagar. Il avait une idée concrète de l'avenir du petit, ses plans étaient un ne peut plus clair. Il deviendra un guerrier, un aventurier sans peur, un chevalier. Et pour ça, il lui réservait pour son 13e anniversaire une surprise de taille. Pour l'instant, tout ce qui importait, c'était son apprentissage intellectuel. Et à la simple pensée de cela, il grinçait des dents ; Malagar était tout de même un Iop, et ça promettait de ne pas être reposant pour tout deux. Sur ces rudes réflexions, le vieillard fermât l'oeil, se perdant dans le voile de l'imagination infini des rêves de richesse et de trésors.
01:30:34 16/04/2010
Une journée nuageuse s'annonçait. Le temps grisait, rapidement, s'annonçait menaçant, triste.
Certains diront que c'est signe d'un mauvais présage, d'une orage violente à l'aube. Les paysans comme petits villageois craignaient les temps orageux, car cela pouvait détruite le toit de leur chaumière adoré, comme le tonnerre pourrait enflammer une récolte complète, et mettre le village dans une bien mauvaise posture.

Pour Malagar, c'était simplement signe qu'il fallait rentrer se mettre à l'abri, le dérangeant dans une partie de pêche fort prometteuse. La journée avait pourtant bien commencé pourtant. Un soleil de plomb, une chaleur vivifiante, la bonne humeur semblait être de la partie. Engor était partie de la maisonnette familiale, pour aller faire des courses à la cité marine de Sufokia, en début de journée. Le trajet était long, et y aller y prenait environ deux heures à la marche. Encore faut-il toujours son chemin dans le dédale des passerelles, navires, et routes de pavés pour trouver enfin le bon commerçant qui allait proposer autre chose que des navires bon marché, des épées, et de la marchandise de contrebandes. Donc, la journée allait être plutôt longue, sans les petites conversations avec son arrière-grand-père. Il avait décidé de profiter du beau temps, pour aller vers la rivière la plus proche du village, se trouvant à une dizaine de minutes de marche intensive du grenier, où le blé des récoltes étant stockés, avant d'être acheminé à la boulangerie, ou au bétail de Bouftous de l'éleveur local.

Tout se déroulait bien. Il avait attrapé quelques poissons-chatons assez rapidement, puis une petite sieste avec la pôle fichée dans le sol, qui au bout d'une heure, fut interrompue par une Carpe d'Iem quelque peu suicidaire qui avait mordu à l'hameçon. Puis, un grand vide pendant deux heures. La patience du jeune Iop aux cheveux vermeille avait été mit à rude épreuve durant ce temps. L'attente était frustrante, mais heureusement, il s'était mit à chantonner, en regardant le ciel d'un bleu clair, illuminé par l'astre ardent suspendu comme le serait une Arakne sur une branche d'Abraknyde bicentenaire. Il pensait, rêvait... Puis, miracle, quelque chose mordit. En bénissant le ciel, il tira sur la ligne, mais fut surpris par la force de la bête. « Elle doit être grosse! Waaaaa! », pensa-t-il, lui qui jubilait carrément. Un combat commença alors. Plus de vingt longues et épuisantes minutes s'écoulèrent, jusqu'à temps que la prise tant convoitée se fatigue. Il prit alors sa chance, et, dans un ultime effort, il tira violemment sur sa canne. Le mince fil de pêche tenu le coup, et la récompense de la hargne de Malagar fut récompensé. Un superbe brochet, dans la fleur de l'âge, qui mesurait pas moins de douze poces. Dans l'effort, le poisson volant dans les airs, le pêcheur âgé de maintenant douze années abordant le treizième tomba à la renverse, littéralement. Il chuta lourdement sur le dos, avec la grosse prise qui atterrit tout près de lui, gigotant encore de vie. Puis, il lui asséna un coup de poing sur la gueule plate du poisson, qui cessa de bouger d'un coup. Il s'agenouilla, et regarda fièrement ce qu'il venait d'attraper.

- Le voilà, notre repas de ce soir! Pépé va être content, je le sens, dit-il en se frottant les mains ensemble, la langue tirée. Et puis, ça vaut bien une dispense de récurage du vaisselier et des casseroles, niak!

Il retira soigneusement l'hameçon de la gueule finement dentelée du brochet, avant de prendre celui-ci par l'ouverture des branchies et le soulever de son bras droit. Avec son membre disponible, il rangea sa canne à pêche dans son petit sac à dos, et partit en direction de la maison. Le temps s'était ennuagé, et ça n'allait qu'empirer à vue d'oeil.

Quelques minutes, puis, à peine sur le seuil du sol Gaulmien, il fut accueilli par Van, le gros bûcheron, qui semble-t-il, avait l'air heureux d'apercevoir le petit Iop.

- Ah beh... Si c'n'est pas ce p'tit Malagar! Alors, c'te partie d'pêcherie?

- A merveille! J'ai même pêché ça, s'exclama Malagar, tout en montrant fièrement sa grosse prise au grand barbu.

- Ooooh! Par les branches du Chêne Mou, c't'une sacrée trouvaille, ça! Hmmm, j'sens qu'ça va sentir bon sur la poêle, renchérit Van, en se mettant les deux mains sur la panse. Va falloir qu'tu m'invites, 'tit gars, n'ai marre du ragoût d'boulettes de Bouftou qu'ma douce m'prépare...

Le gros bonhomme éclata d'un rire gras, qui fut ensuite accompagné du rire enfantin de Malagar. Sur échanges de politesse, le petit aventurier a en devenir reprit le petit bout de chemin qui le séparait de la petite maison. Le temps s'était encore plus assombri entre son entrée et la fin de la conversation. A cette heure-ci, le vieillard énergique devait normalement être entré. A peine avant d'entrer dans la maison, il entendait la chaise berçante se mouvoir, avec le petit grincement caractéristique de ce genre de meuble. Pas de doute dans son esprit, c'était bel et bien lui. Il poussa la porte, et avec enthousiasme, sans porter de l'attention, il lâcha un bruyant ''SAAAALLLUUUUUTTT PEPE! R'GARDE C'QUE J'AIIIIIIII!'', avoir de lâcher son sac à dos sur le sol. Puis, surprise. Il mit de côté son brochet encore frais lentement, en regardant en direction de la chaise berçante, orienté près de la cheminée en pierre. Son regard surpris, mêlant incompréhension à l'étonnement total, avec un sourcil arqué pour décorer le tout, fixant celui qui était sur le trône du troisième âge.

Ce n'était pas Engor qui était assis dedans, mais une femme. Des haillons recouvrait son frêle corps malade, les cheveux, d'un châtain ayant perdu du lustre, du volume, et de sa consistance colorée, frisait, pointait et semblaient détruits. Un teint autrefois hâlé, devenu beige approchant le pâle maladif d'une personne ayant été enfermé depuis des années dans une sombre et humide cave. Une aura de mystère flottait autour du regard absent, décalé de la femme, qui fixait le sol. Son bras gauche était maculé de cicatrices difformes, et la droite, autre le manche du restant de robe, gravement salie, arraché en partie jusqu'à la hauteur des épaules, était sur le côté, invisible à l'oeil de Malagar. Et pourtant, pourtant, un air si familier... Si... Proche de lui... Un silence pesant. Le corps féminin amaigri stoppa de balancer sur la chaise. Nouveau silence.

- Voyons, mon petit Malagar... Ne reconnais-tu pas ta génitrice, lança-t-elle, soudainement. Son regard était toujours rivé vers le plancher de la coquette demeure. Tu devrais t'en souvenir... Non?

Le petit Iop fut ébranlé. Ce restant de corps, c'était sa mère, Mariona! Il n'en croyait pas ses yeux. Après tant d'années, elle était là. La pluie avait commencé à tomber à l'extérieur. Tout le monde s'était réfugié dans leur maison respective. Elle leva le regard. Un regard sans émotion. Ses yeux couleur émeraude qui brillait autrefois semblait terni, ombragé, maladif même.

- M... Ma... Maman, balbutiât le jeune garçon, déstabilisé par cette rencontre improbable. Mais... Mais qu'est-ce que tu fais ici?

- Oh... Je pensais à ces vieux souvenirs... Où j'étais encore dans cette maison, répondit Mariona. Un petit sourire qui n'avait rien de franc fit son apparition sur son visage. Je veux prendre de la distance sur ces dernières années, tu vois...

Malagar resta silencieux. Alors, elle se leva de son siège et fixait le foyer, qui ne comportait aucune flamme, aucun feu. Elle soupira, avant murmurer quelques mots, qui furent imperceptibles à l'oreille du Iop. Sa main droite était enfoui, quelque part dans sa robe blanche, noircie par la salissure et déchirée à quelques endroits. Elle fixa ensuite Malagar, avec attention. Elle le scrutait à la loupe.

- Ces... Souvenirs... Tu vois... Ils m'ont fait mal, parfois. D'ailleurs, tu as bien grandi... Tu ressembles à ton père, mon petit Malagar, affirma la Fécatte.

Son ton de voix était distant, et sonnait un peu faux, rauque à certains moments. La rançon du piteux état dans lequel elle se trouvait. Puis, elle marcha lentement vers son fils, sa main toujours cachée à demi dans son vêtement.

- Tu sais, mon fils... J'aimerais recommencer à neuf, sans ces... Souvenirs... Qui me torture et qui me font beaucoup de douleur à l'intérieur... Tu comprends?

- Maman, tu m'fait un peu peur, bredouilla le pré-adolescent. Tu es toute... Bizarre.

Elle était maintenant face à Malagar, et posa un genou sur le sol, un petit sourire aux lèvres, d'allure triste de compassion. Elle tendit la main gauche, invitant celui-ci à venir dans ses bras, pour un câlin maternel. C'est avec peine que le petit s'approcha de sa mère, vint se réfugier lentement dans l'étreinte de celle-ci. Puis elle lui susurra à l'oreille, calmement :

- Ne t'inquiètes pas, Maman est là... L'automne est sur le point de se terminer... Mais... Tu ressembles tellement à ton père...

Douleur vive. Un cri de douleur atroce sortit de la bouche de l'enfant, perçant le voile humide de l'orage extérieur, faisait son écho au travers du village.

Le vermeille des cheveux de Malagar, si foncé, brillant...
Cette couleur, si sombre et si délicate, teintait maintenant l'acier du couteau que sa mère tenait enfoncé dans le ventre du petit garçon.
Et le vêtement...
Et le sol...
01:32:01 16/04/2010
La pluie continuait de battre son plein, laissant de grands ruissellements d'eau, coulant petit à petit pour former un étang dans les champs, allant nourrir les champs, la terre nourricière pour y fertiliser quelques portions de terre rendu arides depuis la dernière longue période de soleil. Coup de tonnerre, le sombre ciel s'illumina. Fracas.

Et pourtant, un ruissellement n'était pas comme les autres. L'eau pure n'était pas translucide, cristalline. Effusions de plasma, globules, hémoglobines rejoignait bientôt les autres petits ruisseaux, pour aller abreuver la terre de son vermeille vitaminé, jeune. Ce sang que Mariona avait versée. Celui de son propre fils. Malagar était sur le sol, inerte. Elle se tenait debout, son proche péché dans sa main. Un sourire illuminait son visage. Un sourire pas tout à fait sain. Elle croyait avoir accompli son devoir, pouvoir reprendre sa vie comme ce fut le cas avant. Peut-être s'en aller dans le village d'Amakna? Qui sait. Sa joie, son bonheur l'importait à présent. Si, toutes ces actes n'avaient aucune signification, sinon de la soulager, elle et sa conscience de folie. Elle gloussa d'un rire léger, en contemplant le corps de son ancien fils. La chair de sa chair, qu'elle avait sordidement poignardé, avec un sang froid pouvant déstabiliser même les plus fous des meurtriers Brâkmariens.

Malagar avait senti le coup, hurlé, mais personne ne l'avait entendu. Personne. La pluie et le grondement des cieux masquaient tout. Absolument tout. Il avait regardé le couteau long de six poces, enfoncé dans son estomac avec de grands yeux, la bouche ouverte, crispée par la douleur. Il avait mit la main instinctivement sur le manche, avait de regarder sa mère une dernière fois. Noir total. Ce fut court, bref...
La dernière chose qu'il avait pu entendre, avant de s'écrouler par terre, dans son propre sang fut : « Bonne nuit... Mon vieux souvenir... ».

Mariona empoigna la longue dague, la retira d'un coup sec, et essuya la lame sur les vêtements maintenant partiellement imbibés de la flaque de rubis liquide du jeune Iop. Elle s'avança près de la porte, empoignant son petit manteau en laine de Bouftou, et mit la capuche de celle-ci sur sa tête. C'était le temps de rentrer chez elle, après tout. Rester là, à s'extasier devant son geste, lui ferait perdre un temps inutile. C'était futile. Lentement, elle franchit le seuil de la porte, sa courte lame dissimulée dans sa veste brune, dans une poche intérieure. Elle s'éloignait de la chaumière, en chantonnant tout doucement. Harpe de décadence.

--

Vide, noirceur, silence.
La respiration était inexistante, puis, inaudible. Très lente.
Son subconscient prenait le relai. De lui-même, il ne pouvait rien.
Les voix se répercutent dans sa tête.
Patriarche. Son visage ferme. Des éclats, des tintements. Son propre cri résonnait dans tout le néant.
Son cri fut joint, par deux, puis trois, puis une dizaine. Ils l'encerclaient. Les yeux rivés sur lui. En armures, et armés.
Le cri. Guerre, Bataille. Echo. Tout cela fusa en même temps. Il se retrouve au centre d'un brouillard rouge, désorienté.
Il était debout. Il vit un homme, la tête rivée vers le sol. Epée en main, criblé de flèche. Il semblait mort. Mais l'était-il?
L'esprit du jeune garçon erra, observa ce qui l'entourant. Un vaste champ, couverte de fleurs de sang. Des cadavres, dispersés, dans un voile rouge, vermeille. L'homme était seul dans cette prairie mortuaire. Il devient tout à coup géant. Immense. Il tremblait.
Malagar s'approcha, attiré par une sensation inconnue, irrésistible. Guidé, littéralement, par une aura puissante.
Une voix résonante s'éleva, répétant un marmonnement incompréhensible. Puis, elle se fit plus clair dans l'esprit du jeune Malagar.



[...]


« Les rites... La guerre... Les combats

Guidé par le feu du moment
Tu te battras
La raison importe peu
Tu te battras
Cesses d'être preux
Laisses-toi envahir, complètement

Et le sacrilège, mourir, devra »

[...]




--


La Fécatte déchue continuait son chemin en direction de sa chaumière décrépie, de par le pré, remplit d'une végétation très courte, avec très peu d'arbres. C'était là où Malagar avait l'habitude de jouer, plus jeune. Avant ce jour fatidique, le jour où la lueur maligne avait s'était diffusé dans son âme, comme le poison fourbe et à évolution lente que certains assassins Srams s'amusent à employer dans les contrats d'envergure. Elle poussa un grognement. Ce temps était loin. La pluie avait cessée, mais les nuages de charbon continuait à couvrir entièrement le ciel, présageant une reprise plus forte de l'averse. Il grondait, menaçant au dessus de la tête des nombreux habitants malheureusement prit sous le champ d'action de la bête nuageuse.

Le vent souffla légèrement, soulevant quelque peu sa robe blanche ternie, sale. Elle respira un grand coup, humant l'air. Elle toussota, faiblement. Ce courant aérien était froid, très froid, chargé de l'humidité lourde, rendant difficile la respiration. Normal en ce temps orageux. Elle prit une brève pause, puis se joignit les mains. Elle s'apprêta à repartir, décidée, quand elle eut une impression bizarre. Elle avait l'impression... D'être suivie.

- MAMAN!

Elle figea, se redressant momentanément, surprise. La voix qui lui avait hurlé ce nom était plus ferme, plus hargneux, plus fort. L'intonation même était décalée, et pourtant... Elle se retourna. C'était son fils. Mais quelque chose semblait avoir changé. Il avait l'air plus grand, plus imposant qu'à l'habitude. Son regard était dissimulé, la tête penchée vers l'avant, les bras du jeune donnait l'impression de pendre de chaque côté de son corps. Ses jambes, étaient écartés d'une manière étrange, comme s'il s'agissait de vulgaires poutres de bois. Calculé. Il restait planté là, à fixer le sol. Sa plaie était belle et bien apparente, et ses vêtements étaient salit par son propre sang.

- MAMAN!

Le débit était devenu puissant. Mariona se prit la tête entre les deux mains, se couvrant les oreilles, horrifiée. Ses rêves, ses espoirs! Ils ne pourraient se réaliser s'il tient encore debout! Elle secoua follement la tête de gauche à droite, en gémissant de douleurs, de tristesse. Une rage meurtrière lui voila bientôt l'esprit, en regardant son seul obstacle à sa vie tant désirée, ce renouveau tant espéré. Elle commença à marcher rapidement en direction de son fils, en respirant fortement. Elle commença à crier :

- Pourquoi faut-il toujours que quelqu'un m'empêche de faire ce que je désire? Pourquoi es-tu toujours vivant?! HEIN? Laisse-moi vivre, cauchemar!

Elle tira son poignard, le levant à la hauteur de ses épaules. La distance qui séparaient les deux personnes était d'environ une dizaine de mètres, à peine. Elle avait accélérée la cadence, bien décidée à franchir ce qui la bloquait de son aspiration, ses idées du futur. Plus que quatre. Elle brandit plus haut, prenant un élan calculé, comme une faucheuse. Trois. Malagar ne bougeait toujours pas, et elle, riait. Deux. Les bras de Mariona se durcirent. Elle s'apprêtait à porter le coup de libération. Le Iop était toujours immobile. Un.

- Tu dois mourir, laisses ta mère en paix. MEURT! KIAAAA!

L'élan s'activa, le coup visant le coeur de l'enfant. Elle hurla de furie, dans son geste vif et nerveux.
Zéro. La carte finale venait de s'abattre. Le jeu de la vie, pile ou face? Le geste était arrêté.
Contradiction. Malagar avait saisi son poignet avec sa main gauche, la stoppant momentanément. Elle regarda confuse la main qui la serrait. Elle regarda son fils, puis le poignet, et encore Malagar. Elle tenta de faire avancer la lame vers le poitrail de son ennemi, mais il ne fléchissait pas. Immobilisme total. Ce qui fut quelques secondes d'arrêt parurent comme quelques minutes. Tout avait figé. La frustration prenait le dessus de Mariona, qui tentait encore de forcer la poigne solide du jeune préadolescent. Rien à faire. Elle commença à grimacer de douleur, car la main serrait de plus en plus son articulation.

La poussière se leva du sol, lentement, tandis qu'elle tentait de se dégager de l'étreinte surnaturelle qui la fixait sur un point mort. Malagar leva lentement la tête. Son visage était devenu d'un granite, très dur, déformé par la colère grandissante qui naissait en son être. Son subconscient avait prit le dessus, l'adrénaline circulant comme les rapides d'une rivière déchainée, débordant de son lit. Il serrait ouvertement des dents, affichant des canines qui semblait avoir momentanément grandit. Il grogna longuement. Il fixa la Fécatte soudainement, d'un regard injecté de sang. Elle eut un mouvement de recul, et un frisson lui parcourra l'échine.

- Grraaaah... C'est... ma... vie. TU NE LA PRENDRA PAS, hurla férocement Malagar. RAAAAAAAAGGHH!

Il consolida sa prise en joignant son autre main, et, tourna brusquement sur lui-même, soulevant Mariona. Il lâcha le tout, et elle fit un vol plané, pour atterrir cinq mètres plus loin, vers le nord. Aussitôt qu'elle toucha le sol, Il bondit de nouveau, arrivant près d'elle, et la ressaisit de nouveau. Il prit son élan, et écrasa son poing sur le visage de sa génitrice, qui retomba légèrement plus loin. Elle se releva, et reprit son couteau. Elle chargea. Elle lança quelques coups latéraux, que Malagar esquiva de justesse. Il recula pendant sa parade, ce qui laissa le temps à la Fécatte de joindre les mains. Un symbole luisant, d'un vert lumineux se dessina sur le sol, faisant apparaître une large Glyphe d'Immobilisation. Elle fit un sourire de défi à son fils, qui, maintenant semblait piéger. Elle se prépara et, lança des jets de flammes sur Malagar. Le sol s'embrasa, laissant un mur de flamme devant. Elle se saisit de son poignard, et ricana.


Tout d'un coup, le jeune homme franchit brutalement le feu ardent, et arriva au contact une nouvelle fois. Il esquiva habilement un coup de dague visant sa gorge, lui coupant une mèche au passage. Il passa une gauche dans le ventre de Mariona, avant de la faire suivre d'un violent crochet à la mâchoire de celle-ci, fracturant l'os du même coup, et l'envoyant valsée plus loin en tournoyant sur un sol devenu plus terreux. Il sauta à côté d'elle, et la saisit par la gorge, la soulevant du sol, n'écoutant de la rage qui l'animait. Il frappe de nouveau, lui brisant le nez, et contempla le tout, tout en l'étranglant. Puis, il lança un cri de guerre, et lâcha Mariona, avant de lui envoyer le coup final directement dans le plexus solaire, elle qui était encore en suspend dans les airs. Elle se plia violemment vers l'avant, tout en étant projetée plus loin, s'écrasant comme une vulgaire masse et roulant sur une distance d'environ six mètres, avant de s'immobiliser sur le sol.

C'était fini. Malagar soupira fortement, et devint subitement mou, flasque. Il s'écroula sur le sol, inconscient.
La réalité le rattrapait, son entaille à l'estomac était là. Le sang s'était remit à couler hors de lui.



--



Engor était rentré au village. Il avait vu le petit ruisseau vermeille, abandonnant momentanément son lourd chargement sur ses épaules, la pelle en main. Il suivit le mince filet sanguin, qui, à son plus grand malheur, le conduisait à la maison familiale. Il courut et franchit le pas de la porte, prêt à défendre sa maisonnée.

C'est là qu'il se rendit compte de l'énorme flaque de vermeille dans laquelle il avait posé le pied gauche malencontreusement. Il fixa l'étendue d'hémoglobines, horrifié. « Malagar! », pensa-t-il instinctivement. Il devint chargé d'une urgence psychologique : Malagar était en danger, c'était certain. Il inspecta et remarqua des traces de pas rouges, qui sortait à l'extérieur. Il prit sa pelle à deux mains fermement, et quitta le domicile en suivant les traces.

C'est à ce moment qu'il entendit des bruits de combats. Il pressa le pas, pour ensuite apercevoir de la fumée, plus loin. Il était à près de deux cent mètres de l'endroit d'où la fumée venait. Il vit Malagar s'écrouler, et, sur le moment, dans une anxiété qui aurait pu causé une attaque à un vieillard normal, il marmonna un sort, et parvint à arriver au côté de Malagar dans la minute qui suit.

- Malagar! Mon petit Malagar! Allez, boug', répéta constamment l'Enutrof. Il joignit les mains et ferma les yeux. Corruption!

Une masse d'or éthérée enveloppa le corps ensanglanté et brûlé de son arrière-petit-fils, lui couvrant lentement sa plaie devenue béante à l'estomac. Le saignement stoppa peu à peu, jusqu'à temps qu'il arrête net. Le vieil homme attendit quelque peu, et, agenouillé, fixa le petit Iop. Il échappa une larme. Un peu plus longtemps, et il serait probablement mort à cette heure. Ca allait prendre quelque temps avant que les brûlures et autres lésions disparaissent, et il en était conscient. Néanmoins, ce qui importait, c'est qu'il était sauf. Puis, un éclair lui traversa l'esprit. Si Malagar était ici, son agresseur ne devrait pas être loin!

Tandis qu'il se redressait, son regard se posa sur le corps d'une femme, plus loin. Il s'approcha, laissant l'enfant à la chevelure vermeille sur le sol. Sa curiosité venait d'être piqué à vif. Il tituba. Il l'avait reconnu du premier coup. Il secoua la tête, et arriva au côté de Mariona. La main tremblante, il posa deux doigts sur le cou de celle-ci.

Aucun pouls.
Rien.

Elle était morte.
01:33:18 16/04/2010
Noirceur. Ombres. Clarté. Lumière.

Le jour venait de se lever, le soleil gonflant peu à peu, et empruntant la colline invisible qui désignait son tracé quotidien dans les airs.
La fourmilière s'activait déjà, les villageois sortant, presque en même temps, pour aller faire la file devant le commerce de la boulangerie locale, afin d'avoir un pain tout chaud pour leur famille respective, ou eux-mêmes.
Car, il n'y avait pas que des familles, à Gaulmes. La mince population du village était composé en partie par des éternels solitaires, cherchant quiétude et isolement dans une bourgade inconnue de tous, afin de vivre comme ils l'entendaient.
Et bien sûr, dans cette file d'attente devant la boulangerie, où était massé presque la totalité du village, tous avaient des points particuliers en commun : Une tête endormie, quelques pièces de Kamas, et une pince pour le nez, afin de ne pas s'asphyxier en faisant commerce et achats avec le tenancier de la boulangerie, l'infâme Hogousse Dhaï, pourtant amical avec ses clients. Ses dents cariés, accompagnées souvent de trous béants dans son sourire ainsi que de la présence accrue du noir sur celle-ci, ont fait ce qu'il est au yeux des badauds au village. L'hygiène buccale et lui faisant deux, l'ont ne s'en étonne pas.

Au fil des minutes passés devant la boulangerie, remplie de cette délicate odeur des petits pains de céréales qui charmait le nez des clients durant l'attente tel de vulgaires serpentins domestiqués, le nombre des villageois en proie à la faim chutait, ce qui ne manquait pas de ravir le maître boulanger. Il faisait des affaires d'or, et prévoyait réaliser quelques rêves, dont il ne manqua pas de mentionner à ses clients réguliers. Parmi ceux-là, un voyage à Bonta, pour se faire greffer un nouveau sourire par un chirurgien-dentiste Eniripsa qui venait de découvrir la manière de donner une deuxième vie à la bouche grâce aux dents de Bouftou. Innovation, que beaucoup appuyait, les Gaulmiens y comprit, très enthousiasme à l'idée que la puanteur qu'ils subissaient aller enfin pouvoir disparaitre à jamais - Ou un certain laps de temps, s'il entretient la même relation avec la propreté dentaire - lors de leurs visites journalières. Pourtant, il n'avait rien à se reprocher ou presque. Grandeur moyenne, toujours sympathique et loquasse, imberbe, quand même mince malgré quelques plis au niveau de son ventre, un brin romantique parfois avec les jeunes filles du village même si elles se sauvent fréquemment à portée d'haleine. Rien de spectaculaire, mais rien de repoussant. Enfin, d'aussi repoussant que la teneur en micro-organismes et bactéries présente dans un de ses souffles respiratoires.
Le dernier des clients, hypnotisé par l'odeur des pâtisseries qui, manifestement, couvrait le dangereux flux d'air buccale d'Hogousse, commanda ses pains quotidiens. Puis, en servant ces bases des repas matinaux à la mie si croustillante à son client, il regarda dans l'ensemble de sa petite boulangerie prospère. Il cherchait quelque chose du regard. Remarquant le regard légèrement confus du boulanger-pâtissier Dhaï, le client jeta un coup d'oeil derrière lui. L'endroit était bel et bien vide, aucun doute là-dessus.

- Dit donc, 'Dhaï, c'est quoi que tu cherches du r'gard, comme ça, demanda le paysan affublé d'un chapeau de pailles, légèrement troublé par cette soudaine confusion dans le regard du commerçant.

Hogousse sursauta presque. Il se pencha légèrement au dessus du comptoir de bois le séparant de son fournisseur de céréales. Il tourna la tête en direction de la porte, voulant profiter de la vue vers l'extérieur du bâtiment modeste.
Il revint en position debout, face au regard interrogatif de l'homme qui permettait à sa boulangerie de fonctionner.

- Alors? Y'a un problème?
- Beh... C'est bizarre, mais je crois que...
- Que quoi?
- Laisse-moi finir ma phrase, bon sang, répondit le frêle boulanger en fusillant du regard son interlocuteur, passablement irrité par cette soudaine interruption.

Il lâcha un soupir exaspéré, puis reprit où il en était, tout en se massant le menton en tentant de se remémorer ce qu'il lui échappait.

- Il y a quelqu'un qui manquait à la file. Ah ouais... Engor...
- Tu veux dire, ce vieux paquet de rides hyperactif?
- Bah, c'est surtout le doyen de l'endroit, mais c'est toujours lui qui arrive en dernier à ma caisse chaque matin, lâcha Hogousse, avec un ton qui laissait transparaître de l'inquiétude.
- Beuh? Mais c'est moi l'dern... Aaaaaah, je vooooois. T'penses qu'il lui est arrivé quelque chose, questionna le paysan.

Un petit silence parcourut l'ensemble de la boulangerie. Puis, Hogousse tourna les talons pour se diriger dans son atelier de travail, d'où il revint avec un pain emballé à la va-vite. Il semblait prêt à partir.

- Hm? Où tu vas, comme ça?
- Faire une petite livraison à domicile. Allez, dehors, j'fermes!

Il sortit rapidement, les pains encore chauds sous le bras, en prenant bien soin de fermer boutique au préalable. Les livraisons à domiciles étaient relativement exceptionnels, compte tenu de son emploi du temps chargé, où la préparation et la cuisson du pain prenait une grosse portion de celle-ci. Mais généralement, ce genre de sorties étaient un prétexte pour prendre une pause, ou, rarement, à vérifier que tout va bien chez le client concerné. En aucun cas il effectuait les livraisons sur commande, car seul lui pouvait dicter sa propre ligne de conduite. Il n'eut jamais apprécié de se plier constamment aux exigences des clients, et faisait les choses comme il l'entendait. Chose rare chez les divers jeunes entrepreneurs qui oeuvraient dans le commerce en Amakna. Mais fort heureusement, c'était relativement mieux ainsi, les villageois n'étaient pas à ce point aigri pour exiger quoique ce soit à Hogousse Dhaï, et relativement satisfait des produits qu'il offrait.
La maison familiale où habitait le vieil homme, personne qu'appréciait grandement le boulanger, n'était pas loin de sa fabrique de pâtisseries. Il suffisait que d'une marche d'une durée approximative d'une minute afin de s'y rendre, et à une cadence plutôt lente. Celle d'Engor, plus précisément. Il contourna le tonneau d'eau de pluie près de l'entrée, tout juste sur le chemin de terre battue principal du village, avant de se poster devant la porte.

Il frappa trois coups et attendit patiemment la réponse.




Engor se réveilla en sursaut, dans sa chaise berçante, posée devant le lit de son petit Malagar. Il avait passé la nuit à surveiller et soigner ce dernier, et cela l'avait vivement épuisé. Peut-être même un peu trop, puisqu'il s'était assoupi en plein milieu d'un énième sort de la Boite de Pandore lancé en vu de guérir la dernière brûlure que comportait le bras du petit Iop. Il lâcha un long bâillement entre les poils de sa grande barbe et de sa moustache bien commune de tout les disciples d'Enutrof, de couleur poivre et sel plus salé que poivré. Il regarda en suite en direction de la porte avant de se lever de sa chaise, en grommelant quelques mots représentatifs de son état de vieillard grognon dû au manque de sommeil. D'ailleurs, les cernes qui décoraient son vieux visage plissé de partout en faisaient foi. Il ravala ses quelques envies de meurtres en arrière-pensée, et se dirigea lentement vers la porte en bois d'allure à peine plus jeune que l'Enutrof. La règle générale avec Engor, c'était de ne jamais interrompre son sommeil si la personne responsable de l'attentat ne voulait se faire tatouer subitement une pelle rouge entre les deux yeux. Car il était réputé pour être énergique et jovial, mais aussi pour ses spectaculaires prises de bec avec ceux qui osait le déranger entre deux rêves garnis de Kamas imaginaires, ce qui ne manquait pas de le faire respecter partout dans le village, et même en dehors de celui-ci. Prudence donc.

En ouvrant la porte, il fut surpris de voir Hogousse Dhaï, le boulanger du village à l'haleine d'outre-tombe, au pas de celle-ci. Et de surcroît, avec des pains frais sous la manche. Evidemment, la surprise semblait ne pas trop déformé le visage vaguement endormi du vieillard, trop occupé à essayer de maintenir ses petits yeux ouverts.

- Voooooouuuuaaaaaaais, qu'est-c'qu'tu viens fair' ici, demanda d'une voix faible Engor.
- Bah, j'viens livrer vos pains, vous devez avoir faim, non?

Le souffle horrible d'Hogousse vint se heurter au visage d'Engor, qui s'ébroua la tête en tirant la langue. Quoiqu'il en soit, ce fut suffisant pour tirer complètement le vieil homme de son impression de fatigue.

- Pouaaaaa... Ah? Eh, z'êt' vachement gentil. C'pas dans vos habitud', d'fair' c'genr' d'servic'! Second', j'reviens avec ma petit' bours' d'Kamas. Eheh...

Aussi vite qu'il avait terminé sa phrase, il revint avec quelques pièces de Kamas, qu'il s'empressa d'échanger contre le duo encore fumant de pâtisseries qu'avait préparé monsieur Dhaï plus tôt. Il alla fermer la porte en soufflant un ''merci'' radical et net, avant que son visiteur ne prenne la parole.

- Sinon, est-ce que ça va, ce matin? M'avez l'air un peu différent d'habituellement, je ne vous ai pas vu à la boulangerie...
- Aaaaah, ça... Beh, figurez-vous qu'avait un facteur gênant qu'm'a empêché d'dormir, appelé ''Malagar'', répondit alors le vieux, sur un ton neutre.
- Ah bon?
- Bah vouuais. Euh... Il a ronflé, c'chenapan, tout' la nuit. Mais ça s'est calmé, hein, donc, l'vieux Engor a sombré dans les vap' aussitôt c'boucan terminé. Et vous venez d'm'réveiller!

Hogousse recula d'un pas, sur la défensive, avec un regard craintif. Il savait exactement ce dont était capable le vieillard contre ceux qui interrompait son précieux dodo, ayant déjà fait l'expérience du tatouage rouge sur le visage à diverses occasions.

- Ouuh, calm'-toi, j'vais pas t'taper... Enfin, pas c'matin du moins. Mais merci d'prendr' des nouvell', ç'fait chaud au coeur comm' les pains le seront à mon bid'! Au revoir!

Le boulanger-pâtissier allait parler, mais son interlocuteur changea du vieillard à une porte préalablement fermé à une vitesse ahurissante. Il resta planté là, surpris, avant de reprendre finalement le chemin de son commerce.
Pendant ce temps, à l'intérieur de la chaumière, Engor soupira. Mais à peine à la moitié de son soupire, la couverture bougea, avant que le petit Iop se redresse lentement, en s'étirant et bâillant.

- Beeeeuuuuh, lança Malagar, encore légèrement sous les effets de sa nuit de sommeil, ou de repos selon les perspectives.

Il lança un regard à Engor, qui avait encore du pain dans les mains. Chose qui entraina un message plus ou moins subtile de la part de ce dernier : Un grognement sourd, équivalent au rugissement d'un Mufafah coincé dans une grotte de la Montagne des Craqueleurs, en provenance de son estomac. Certainement, il allait quémander le pain en entier. Mais le vieux voulait lui parler avant, sachant pertinemment que son arrière-petit-fils a le cerveau mis en arrêt lorsqu'il mangeait, ce qui faisait acte qu'il n'était pas très doué pour faire plusieurs choses en même temps.
Il posa le tout sur la table de la cuisine, et apporta une bonne moitié de pain ainsi qu'un lailait. Il leva un doigt, faisant signifier que Malagar n'y aurait pas droit, à une condition, fixé par son arrière-grand-paternel. Celui-ci croisa les bras en faisant la moue, pendant qu'Engor pensait à la question qu'il allait lui poser.

- Euh, Malagar, dit-moi...
- Vouais, Pépé?
- Pépé Engor voudrait savoir si tu t'rappell' d'la soirée d'hier.
- Attend, j'vais m'souvenir, répondit le jeune Iop, toujours les bras croisés.

Malagar massa ses tempes, concentré dans l'effort extrême que lui exigeait de se souvenir de ce qu'il avait fait dans un laps de temps supérieur à douze heures. Après de multiples gémissements de douleurs, et un léger hurlement, il leva le doigt dans les airs.

- J'me rappelle, s'exclama l'enfant aux cheveux vermeilles. J'ai... Euh... J'ai pêché un super d'gros brochet, et j'voulais qu'on l'bouffe tout les deux, mais t'étais pas là. Sinon, j'ai mangé une poignée de gely à la fraise après déjeuner... Et j'ai pêché, et...
- Rien d'autr'?
- Bah, je sais pas... C'est tout dont c'que je me souviens, pourquooooi, répondit alors le jeune Iop, en louchant légèrement du regard absent de pupilles.
- Non, rien, ça va aller. Allez, manges, dit-il d'une voix douce, en tendant le repas matinal à celui-ci.

En moins de temps qu'il faut pour dire ''Pouet'', Malagar mangea le pain et bu le lailait, en prenant soigneusement l'initiative de décocher un rot magistralement bruyant après en avoir terminer avec les deux éléments. Décidément, la réflexion fut trop éprouvante pour lui, car en deux temps, trois mouvements, il laissa sa tête tomber sur l'oreiller rembourré de plumes de Tofu, et s'endormit paisiblement. Engor souffla, avant d'aller à son tour en direction de la chambre des maîtres, afin de récupérer ses rêves de coffre animé. Il traina des pieds, en prenant le temps d'abandonner sur le chemin ses pantoufles à peine une section plus haut que la mention ''confort respectable''.

- Dirait bien qu'Malagar n's'souvient d'rien. C'peut-êtr' mieux comm' ça, dit-il en murmurant, pour lui-même.

Puis, il trouva finalement la sécurité de la couette très moelleuse. Et il ne put s'empêcher de penser à ce que Malagar aurait besoin pour l'avenir. Et puis, vint finalement la pensée quant à son entrainement. Malagar ne savait se battre que contre les herbes longues. et n'avait pas d'arme. Au final, il était en retard sur les autres Iops de son âge. Il ne put s'empêcher de penser que la tâche allait être ardu, car il n'y connaissait rien en technique de combat Iop, et il n'avait simplement pas les moyens de lui acheter une épée convenable.

- J'veux bien qu'quelqu'un m'aid'... Si Enutrof m'entend, envoie-moi quelqu'un, et vit'...

La tête dégarnie du vieillard se posa sur l'oreiller, et il sombra dans un sommeil profond, et aussi inébranlable que celui d'un Sadida en période d'hibernation. Sa respiration lente allait bientôt rejoindre le rythme du balayage du vent sur le chemin de terre battue menant à la maison, alors que les autres commencent à vivre une autre journée dans le monde des Douzes. Mais la chose qu'il ne sait pas encore... C'est qu'il arrive plus vite qu'il ne pourrait l'imaginer...
01:35:46 16/04/2010
C'était le retour de la traditionnelle réunion du village, afin de régler les différents des divers Gaulmiens. Le jour se levait à peine, mais déjà, Paul Hitissien avait ouvert la salle commune, qu'il s'empressait de nommer ' le bureau Juste Hissier''. En terme, si les habitants se querellait et devait se battre pour leur cause personnelle, ils devaient attendre le début du mois afin de se prononcer, pour l'amusement du maire de Gaulmes. Mais ce mois-ci, à l'affiche de toute chose, il n'y avait qu'Engor qui s'était avancé en face de la tribune. Le maire presque dépourvu de toute trace de cheveux était endormi sur sa table de conférence, et ronflait. Soudain, une chausse arrivant de nulle part vint frapper de plein fouet le juge Hitissien. Comme résultat, il alla s'échouer lourdement sur le sol derrière son pupitre gigantesque, avant de se relever péniblement à l'aide de la bordure de celui-ci.

En se massant le crâne, il aperçut le vieillard, tapant du pied et semblant attendre que le déshonorable maire lui accorde toute son attention. C'est connu, car justement le vieil Enutrof ne faisait pas dans la dentelle avec ceux dont il jugeait qui lui manquait de respect.

- Aïïïïeeeuh.
- Bon, z'allez nous écouter, à la fin? questionna vivement Engor.
- Bien sûr, bien sûr. Faites donc, m'sieur l'doyen. Qu'est-ce qui ne va pas. Encore?

De toute évidence, Paul semblait vaguement irrité d'avoir été dérangé pendant qu'il vaquait à ses occupations administratives, soit le sommeil entre deux dossiers. C'était le meilleur dont il était disposé à faire, et le seul à avoir un minimum de connaissance en gestion dans cette petite bourgade.

- Bon, comm' j'disais. L'centr' du villag' me sembl' plutôt vid', c'pas chaleureux pour les visiteurs. Donc, c'qu'j'propos', c'est d'installer un' bell' fontain', et du pavé! s'exclama le vieil Enutrof, vraisemblablement fier de sa proposition.
- Mais monsieur le doyen, puis-je vous rappelez que.
- Ouiiiii? Qu'est-c'?
- Que personne ne vient dans ce trou perdu?! hurla un maire rendu bourgogne tellement il crachait son venin fort.

Engor soupira. Il savait très bien que Paul tentait de se soustraire de l'ouvrage communautaire, et qu'il était un brin conservateur.

- Je veux dire que le dossier sera étudié par le comité exécutif du village, avec ma plus proche collaboration. Soyez a-ssu-ré que je ne me ménagerai pas et que je ferai tout en mon possible pour faire en sorte que cela puisse se réaliser, lâcha Paul, soucieux de donner une bonne impression sur les quelques crétins dans la salle qui risquerait fort bien de lui donner les votes pour gagner la prochaine élection.
- Gnégnégné, fit un Engor exaspéré, qui accompagna sa jérémiade en imitant grossièrement une gueule qui parle avec sa main droite. J'sais très bien c'qu'j'ai entendu, pauvr' bougr'.

Décidément, Engor n'était pas né de la dernière pluie. Ce qui s'accordait très bien avec son statut de doyen de Gaulmes. De même que cette position lui conférait un certain pouvoir décisionnel au sein du petit village. Le maire n'aimait pas vraiment que son autorité soit contestée, mais si cela s'avère justifié. Cela transparaissait sur son visage. Il prit une profonde inspiration, et se ressaisit. Ca aurait été mal vu de la part des villageois, qu'il devienne colérique pour une simple question d'embellissement de la place centrale. L'arrière-grand-père regarda ensuite l'assemblée, composé de la totalité de la localité, qui hochait de la tête. Etait-ce une approbation, ou une collaboration logique pour éviter de se prendre un coup de pelle Ripe en plein visage? La question demeure.

Parmi ceux-ci, se trouvait Malagar, du haut de ses treize automnes, qui lui, profitait de la discorde pour se livrer à un nettoyage intensif de ses narines. Apercevant cette scène, son «père» lui fit les gros yeux, avec une expression du visage qui semblait dire au Iop qu'il devrait s'abstenir de faire ça en public, ou simplement de ne plus recommencer. Le jeune homme retira immédiatement son index de sa narine maintenant étincelante de propreté, et riva un regard honteux vers le site en penchant la tête vers l'avant. Un signe de soumission avant tout, ce qui est rare chez les Iops normaux, cela dit. Bien qu'il n'aime pas ce qu'Engor lui exigeait, il savait que cela allait être nécessaire dans le futur. Les gens n'aiment pas les rustres, du moins, dans une partie civilisée de ce monde, comme à Bonta, ou dans le prospère village de l'Amakna.

Tout à coup, alors que le vieillard allait reprendre ses tentatives infructueuses pour faire de Gaulmes une localité attirante, la double porte en chêne massif qui donnait sur la seule échappatoire possible du maire face au doyen prompt à la colère s'ouvrit lentement. Surprise générale. Les habitants se regardèrent les uns aux autres, se demandant qui pouvait bien en retard à une réunion communautaire obligatoire. Pourtant, personne ne manquait à l'appel, cela dit. Lorsque les portes furent ouvertes, une silhouette sombre et encapuchonné s'avança à l'intérieur. D'allure imposante, et intimidante, le mystérieux homme s'avança à l'intérieur. Le maire, avec une mine interrogatrice, se leva lentement de sa chaise, en tentant de croiser le regard de l'individu qui cependant, l'avait dissimulé derrière un voile d'ombrage créé par son capuchon. Une grande cape l'entourait, ce qui lui donnait des allures de Roublards ou de Sram par moment.

- Monsieur, qui que vous soyez, je vous demanderais de sortir de cette endroit, soutint Paul Hitissien. L'assemblée étant déjà ouverte, il vous est impossible de.

Le grand homme bizarroïde leva sa main lentement, face à lui, interrompant le politicien novice dans sa tentative d'expulsion. Un signe d'arrêt. Puis, l'homme ramena sa main vers sa bouche, d'où une voix puissante et rauque s'échappa.

- Pardon de ma petite. incrustation, monsieur, dit-il en accompagnant son excuse d'une courte révérence. J'aimerais savoir s'il vous restait une terre de libre, j'aimerais bien m'établir dans un endroit. Tranquille.

L'être dissimulé demeurait incliné, dénotant qu'il avait une certaine notion de courtoisie envers Paul, légèrement brusqué. Même qu'il était respectueux envers celui-ci, chose rare, surtout lorsque l'on a affaire à un type d'allure solide, inconnu, et. à l'air intimidant. Le politicien leva les yeux au ciel, puis reposa les reposa sur l'inconnu encapuchonné.

- Bah, euh. balbutiât le frêle homme politique.

- Oui, oui, bien sûr! s'exclama soudainement Engor, mettant ainsi un frein à la tentative de refus du meneur de Gaulmes. Il y encor' des lopins d'terr' inoccupé, just' assez pour accueillir un grand gaillard comm' toi.

Paul Hitissien fusilla du regard le vieil Enutrof, qui lui semblait tout sourire. Ce doyen avait un don pour le franc-parler, et les confrontations entre ces deux là étaient relativement fréquentes. Pendant que le maire faisait les «yeux doux» au jovial vieillard, Malagar ne détacha pas son regard du mystérieux visiteur. Il tenta de mettre un visage sur celui-ci, mais cela s'avéra vain. Il le scruta à la loupe, en entier. Quelques détails lui sauta aux yeux. L'homme était relativement costaud, et portait des gants. Pas n'importe lesquels. Des gantelets de plates. Ses bottes étaient très d'allure très lourde. Pour le reste, tout était dissimulé derrière sa grande cape. Il fut rappelé à la réalité, quand celui-ci prit la parole.

- Je ne sais pas si vous avez une maison de. Libre? demanda l'homme encapuchonné. Dans le genre, avec un terrain respectable. Je n'ai pas envie de faire du gaspillage, alors, autant mieux faire dans la récupération.
- Ah ouais! Il y a un' demeur' d'abandonné dans l'coin. C'est tout près d'chez moi. L'est pas meublé mais c'est un' bell' maison! répondit Engor.
- Et qu'offrez-vous en échange de cette portion de terre à l'abandon? demanda Paul, avide de savoir s'il avait en vue une bonne affaire.

L'homme ne répondit pas dans l'immédiat. Il semblait réfléchir.

- Hmm. Je propose une somme de 100 000 Kamas, et mon engagement à protéger et garder ce village.

Le petit Iop se leva brusquement de sa chaise, et pointa l'homme nerveusement. Son expression laissait entrevoir une sérieuse affaire.

- Eh, toi! C'est moi qui protège ce village, nah! s'écria vivement le jeune adolescent.
- Malagar! gronda l'arrière-grand-paternel de ce dernier.
- Bah quoi? Il veut m'voler mon travail, pépé! Ce n'est pas juste roh! Je proteste!
- T'arrêt', ou j't'priv' d'dessert, renchérit un Engor fulminant.
- Mais, pépé Eng.
- Y'a pas d'mais!

La salle devint hilare l'espace d'un espace face à cette scène un peu pathétique. Seul l'homme ne riait pas, toutefois. Il observait le jeune Malagar longuement, comme s'il l'étudiait. Il haussa les épaules, puis, se retourna vers le maire de la localité de Gaulmes. Il s'approcha du bureau où se tenait Paul, et laissa tomber une bourse de Kamas assez imposante. Puis, il s'en alla sans se retourner vers la sortie, en faisant bien claquer ses bottes sur le sol. Les villageois le suivait du regard presque religieusement, ne le lâchant pas d'une seconde. Puis, en posant la main sur la porte double de sortie, il stoppa net.

- Avec ça, je crois bien que vous pourriez construire une fontaine au centre de votre village, et mettre du pavé. Cela embellirait grandement le village, lâcha-t-il de vive voix, avant de pousser les deux portes et de sortir à l'extérieur.

L'assemblée demeura silencieusement, puis l'on put entendre quelques murmures par ci et par là. Engor lâcha un ricanement, en fixant un politicien fort déstabilisé. Il avait raison depuis le début, et il le savait. Et cet inconnu lui avait prouvé que son idée n'était pas qu'un vulgaire caprice de vieux. Tant qu'à Paul, il était sans mot, contemplant le sac de Kamas qui trônait maintenant sur son bureau. Malagar se glissa à côté du vieil Enutrof rapidement.

- Pépé. Il me fait peur, c'type.

Son arrière-grand-père lui caressa les cheveux vivement, ce qui entraina une espèce de dédain de la part du petit Iop en pleine croissance, et se retira de la portée de la vieille main dans la même veine. Il n'aimait pas cette considération parentale en public, et cela se sentait de toute part.

- Bah c'est drôl', mais moi, j'l'aim' bien, c'gaillard. J'sens qu'j'peux lui fair' confianc'.
- Mais euh.
- Doucement, toi, l'heur' du dîner approch', si tu veux encor' ta part d'tart'.
01:41:55 16/04/2010
Quelques jours passèrent depuis la première rencontre avec le mystérieux inconnu. L'humeur de Malagar, pourtant, ne semblait pas bouger d'un poil. Pouvait-on décrire cela par de la jalousie, de l'envie. De la curiosité? La réponse lui était inconnue, tout comme cet homme bizarre venant de nulle part. Le mystère allait jusqu'à ne même pas connaitre son nom. C'était peu dire. Un doute subsistait dans son esprit. Des doutes parmi tant d'autres, mais se faisait naturellement plus fort. C'était une chose qui faisait peur au jeune adolescent. La peur du mystère, de l'incompréhension. Et pourtant, c'était un Iop, il allait devoir vivre avec. Mais cette situation satura vite son cerveau.

Mais pas complètement. La question. Pourquoi l'avait-il fixé aussi longtemps? Manigançait-il quelqu'un chose? Lui en voulait-il qu'il se soit opposé à sa promesse de surveillance de village? Tout un tas de questions, sans réponse. Engor en était bien conscient, lui qui tentait en vain dans les derniers jours à lui enseigner les mathématiques. Au vue de l'état de ce dernier, il ne préféra pas insisté. Mais il n'aurait jamais pu deviner ce qui se tramait dans la petite boite crânienne de ce petit Iop. Zèle. L'homme avait occupé la maison abandonnée depuis maintenant une semaine. L'on entendait des coups de marteau dans la soirée, et il sortait que la nuit, toujours couvert. Il rénovait, c'était évident. Même que des marchands de meubles stoppaient fréquemment devant chez lui afin de lui livrer la marchandise qu'il avait commandée. Quelque chose lui sauta aux yeux. Les sorties. Tel une graine magique de Sadida enfoui dans le sol après un léger arrosage, une idée saugrenue germa dans sa tête.

Piège. Fourberie. Voilà l'idée. Le prendre de revers pendant une de ses sorties nocturnes. Le suivre, tel un Sram tapis dans l'ombre, observé ce qu'il fait. Et utiliser la stratégie la plus Iop qui soit, c'est-à-dire. Charger. Brutalement, avec sa Razielle en bois de frêne. Lui faire bouffer l'herbe par la racine, et aussi sauvegarder son poste de héros du village. Derrière ce plan, se cachant un peu d'égoïsme. Il ne supportait pas d'être mis de l'arrière, d'être second, d'être remplacé. Une réponse fut trouvée. Envie. L'envie de combattre. L'envie de ne pas finir comme une roue de secours, l'envie de prouver aux villageois que c'était probablement un type louche, et qu'il l'avait vaincu de ses bras juvéniles. Une idée folle, certes, mais que peut-on reprocher à un jeune enfant. Il faut que jeunesse se passe, comme dirait tout les sages, concernant les erreurs. Et pour cause, le facteur aggravant étant son statut de jeune Iop insouciant, cela faisait pencher la balance, d'une façon ou une autre. Difficile de contrôler un tel disciple de ce dieu, surtout en sachant la capacité mentale de ceux à emmagasiner les avertissements, qui est proche du nul au naturel.

Il prépara ses affaires avant la tombée du soir. Dans son sac en laine de boufton blanc, il mit tout le nécessaire pour le bien de sa mission : De l'eau, une pomme en cas de fringale, un biscuit de célébration d'après-victoire, et sa canne à pêche. Il avait profité de la courte absence d'Engor pour faire sa besogne. Malin, cachotier.

Surprise. Il fredonnait ses comptines de victoire éclatante en marmonnant, quand tout à coup. Le drame tant redouté se produisit.

- Coucou! J'suis rentré plus tôt, mon p'tit Malagar à la crèm', annonça joyeusement le vieillard, qui arrivait au moment où il ne le fallait pas. Comme d'habitude.

Le petit sursauta, et manqua de tomber à la renverse. Tout jouait contre lui, décidément. Il allait justement quitter la modeste demeure avec son sac garni, duquel son instrument de pêche dépassait de celui-ci. Son expression faciale en disait long sur l'imprévu de taille qui venait lui mettre des bâtons dans les roues.

-. Malagarounet? T'es sûr qu't'as la pêch'?

Ce dernier secoua de la tête. Il devait à tout prix trouver une échappatoire à cette position forte fâcheuse. Il mit son petit pois en guise de cervelle en marche. Il pensa tellement fort que ses yeux louchaient vers l'intérieur. Il se crispa. Son arrière-grand-père le regarda avec un air curieux, puis. Fronça des sourcils. Il devait faire vite, sinon, il allait avoir affaire à la tornade rageuse qu'incarnait ce vieil Enutrof.

- Ah, salut, pépé.
- Alors, t'es sûr qu'ça va?
- Bah, euh. Ouais, pourquoi?
- J'sais pas, p'tit. Un' simpl' question comm' ça, quoi. Et puis c'quoi c'sac? demanda Engor, tout en fixant ce dernier intensément.

Malagar regarda son sac un court laps de temps, réfléchissant à la réponse la plus appropriée, ou la plus Iop, tout dépendament de la personne qui entendit celle-ci.

- Bah voyons, Pépé, c'est un sac en laine de boufton, ça se voit, non? répondit le jeune adolescent, avec un air un peu niais.
- J'l'sais, ça, cervell' d'Iop. Mais t'allait sortir, à c'qu'j'vois.
- Euuuuuuuuuuuuuh. Ouais. Comment t'as deviné? rétorqua encore plus bêtement le petit Iop.
- La logiqu'. Et t'allais faire quoi?

Malagar tressaillit. Il n'était pas très résistant à ce genre d'interrogatoire. Une voix forte lui suppliait de tout avouer, tandis que le peu de conscience machiavélique lui ordonnait de lui mentir. Mais dur de mentir à celui qui a accepté d'élever un enfant sans se poser de question, et encore moins de chialer sur son sort. Le piège, là-dedans, c'est que le vieillard avait fait des pieds et des mains afin de lui inculquer de bonnes valeurs morales, tel l'honnêteté, la franchise. Et l'importance d'économiser ses Kamas. C'était pratiquement trop tentant.
Résistance. Douleur. La gifle partir d'un seul coup, en direction de sa joue droite. L'impact fut violent. Engor haussa un sourcil, d'un air plutôt neutre. Résister à la tentation il devait.

- Bah j'allais traq. Pêcher à la rivière! balbutit maladroitement Malagar, qui pendant ce temps, chose rare, arrivait à faire deux choses en même temps en mentant et en se massant la joue endolorie en plus.
- Bon bah dans c'cas. Oublie pas d'rentrer à l'heur', sinon, restera plus rien sur la tabl' pour l'diner!

Le jeune adolescent parut soulagé sur le coup, en laissant un large sourire innocent, peut-être même trop. Puis, en trébuchant pratiquement, il ajusta son sac et partir de la maison à la course, laissant un arrière-grand-paternel un peu déstabilisé. En regardant le petit Malagar s'éloigner au loin, il eut comme un pincement au coeur. Car oui, en réalité, ce vieil Enutrof n'aimait jamais voir son protégé partir sans être accompagné. C'est à peine s'il supporte le fait de ne pas être avec lui. Et puis, du coup, la pesanteur de l'ennui le frappait de plein fouet. Dur de trouver quelqu'un d'aussi énergique que lui dans ce village. Un trait qu'il tentait de cacher tant bien que mal, pour se fondre dans la masse. Mais à chaque fois, il se laisse emporter. S'il n'eut été de son âge et de ses nombreuses rides qui recouvraient ses traits faciaux, il aurait pu laisser libre court à son imagination, partir loin, voyager, combattre. Il ne pouvait pas vraiment rester en place. Mais le village avait besoin de son doyen, et Malagar avait besoin de lui, et sûrement plus qu'il ne s'imagine. Il était inconsciemment indispensable pour ces personnes. Mais à ses yeux, il n'était qu'un simple vieillard en manque de sensation forte. Il se caressa les poils de son bouc allongé poivre et sel, tout en réfléchissant.

- J'n'sais pas pourquoi, mais j'ai comm' l'impression qu'il prépar' un truc, c'gamin.

Il se dirigea vers la chaise berçante, et dans son inquiétude un ne peu plus puissant, se balança énergiquement, afin de dissiper le doute et de s'occuper l'esprit. Mais il ne se rendit pas compte qu'il avait vu juste. Comme d'habitude.




Pendant ce temps, Malagar s'était éloigné juste assez loin de la maison pour que le vieillard ne puisse plus le voir. Il était devenu pendant un instant un obstacle Il s'engouffra dans la grande forêt, très rapidement, fracassant de multiples branches d'arbres dans son élan, chose qui ne semblait guère l'intimider. Pour lui, tout était bien clair : Il allait le surprendre, ici, terré dans un buisson en bordure de la petite étendue dégagée de la forêt, par derrière, ou de face, ou de côté. Tout dépendait de la façon dont la situation s'y prêtait. Il continua son avancée jusqu'à atteindre le fameux endroit. C'était précisément le même où le nouvel arrivant allait à chaque soir, pour y faire des trucs. Inconnus, naturellement. C'était une surface dénuée de toute trace d'arbustes, hormis peut-être une simple pousse de chêne qui tentait de faire sa place au centre-même de la clairière. L'herbe verte était soigneusement accompagné de fleurs en tout genre ; marguerite, orchidées freyesques, fleurs de lin, ainsi que des petites plantes inconnus du regard juvénile du Iop. De plus, étrangement, l'herbe n'était pas très haute, à peine quelques centimètres de hauteur. Cela se justifiait surtout par l'ombrage qui planait sur la clairière presque de façon permanente, car les arbres qui entouraient cette partie étaient très grands. Toutefois, il y avait une belle zone de lumière au centre, ce qui pouvait sûrement expliquer la présence du minuscule chêne à cet endroit précis. C'était particulièrement une belle zone pour l'oeil, en plein jour. Mais sans doute qu'à la tombée de la nuit, seul l'éclairage discret de la lune pourrait se rendre jusqu'au sol, et encore. Il falloir que l'opération se déroule rapidement, et sans bavure.

Puis, tout d'un coup, des craquements de branches en provenance du sentier de forêt très peu fréquenté se firent entendre. Malagar ne perdit alors pas de temps, et alla se réfugier rapidement dans le premier buisson venu. Malchance le prenant, il avait choisi le pire endroit, soit dans une section épineuse. Il s'en rendit dans l'instant où il atterrit au coeur de celui-ci. Il lâcha un grommèlement presque inaudible de douleur, accompagné de quelques jurons, avant de se taire et de ne plus bouger. Un craquement pouvait lui nuire dramatiquement, et pourrait dans le même coup gâcher tout ses efforts ainsi que les petites entailles qu'il s'était fait en plongeant tel un idiot dans cette cachette à Sacrieur. L'homme apparut, et le jeune Disciple plissa des yeux afin de se focaliser sur sa victime.

L'homme avait toujours sa sombre cape par dessus lui, ce qui rendait difficile l'identification. Si Malagar n'avait pu reconnaitre la couleur de celle-ci, il l'aurait probablement confondu avec un simple badaud en balade forestière. Il s'avança lentement vers le centre de la clairière, de façon très méthodique, voire calculé, ce qui ne manquait pas de surprendre le petit poisseux. Et puis, tout d'un coup, il s'arrêta. Il était à une dizaine de mètres du buisson épineux dans lequel le Iop se tenait, prêt et attentif. Il leva le nez vers le ciel, comme s'il regardait le soleil se coucher, ou encore, de humer la mince brise constante que lui apportait la nature. Rien d'anormal, pour le moment. Il avait à la main droite un long bâton de marche, souvent utilisé pour les randonnées de longue durée, ou les expéditions. A sa vue, Malagar avança la tête. Il était finement sculpté, avec des gravures particulières, mais dont le regard avisé du traqueur ne put reconnaitre. Etrange. Il devint nerveux, quand il vu que l'homme ne bougeait pas. Il tremblait pratiquement. Mais pas de peur. Il sentait l'adrénaline qui commençait à circuler petit à petit dans ses veines, dans sa préparation mentale pour donner l'assaut. Le moment allait bientôt arriver. Il laissa son sac en laine de boufton blanc sur place, et en retira la réplique en bois de la Razielle. Il prit une grande inspiration, et expira. Il n'en pouvait plus, l'attente de la baston devenait insupportable.

Puis, abruptement, il sortit de sa cachette douloureuse, s'écorchant au passage, et fonça à la pleine capacité que ses jambes pouvaient accorder au jeune homme, l'épée en main. Il lança un cri perçant, annonçant ses intentions hostiles envers l'homme. Il parcourut la distance en quelques secondes. Il prit son élan, et visa le torse de l'homme qui venait de tourner la tête en direction de son attaquant. Il n'eut pas de réplique, mais bien une esquive très habile de l'homme, qui recula pour éviter le coup latéral.

- Mais qu'est-ce que.
- POUR GAULMES! YATA!

Le petit s'avança pour porter un coup en croisée du revers, suivi d'un autre coup latéral et un autre verticalement à la tête de l'inconnu. Tous esquivé avec une agilité impressionnante, les réflexes de l'homme étaient sidérant. Se penchant, se déplaçant sur le côté, ça n'avait presque aucun sens. Malagar continua ses enchainements de coups sans arrêt, aucun n'atteignant le type qui s'affairait à éviter tout ce que le petit pouvait donner. Il recula, afin de reprendre son souffle et analyser ce qui pouvait bien clocher. L'homme resta bien en place, le fixant droit dans les yeux. Chose qui ne manqua pas de déstabiliser Malagar. Il ne bougeait pas d'un poil! Il ne profitait même pas du moment de recouvrement de celui-ci pour le mettre au plancher en quelques coups bien placé.

- Raaaaaaah... Allez... Bas-toi, trouillard! cria le Iop.
- Que me vaut l'honneur de cet embuscade?

Malagar chargea l'homme de nouveau, en tenant bien fort le manche de sa vulgaire épée de bois avec ses deux mains. Il lança de toute ses maigres forces une frappe par dessus la tête de l'homme, qui se contenta d'éviter facilement la nouvelle tentative de Malagar de prendre le dessus, en se déplaçant sur sa gauche.

- J'aimerais bien avoir une réponse à ma question, cela dit, jeune homme, lança ensuite le nouveau résident de Gaulmes.
- Pas temps que je ne serai vaincu, répondit le jeune Iop, avec un soupçon de défi dans la voix, et profitant de cet instant pour donner un coup large vers les côtes.
- Soit. Faisons comme cela.

L'homme se cramponna à son bâton, et para le coup donné sournoisement par le jeune Iop Gaulmiens. Ce qui se passa ensuite se déroula très rapidement. L'homme passa le bâton de marche de façon à bloquer entièrement le bras de Malagar et à le forcer à lâcher son pseudo-arme, et ce, en deux simples mouvements très rapide. Le jeune Iop ne put prévoir ce retournement de situation, et se retrouva plat ventre à terre. Ses yeux maintenant rond de stupéfaction fixait la petite colonie de fourmis qui se déplaçait entre les herbes, et cela de très près. Il aurait pu sentir les nombreux messages olfactifs que se livre les ouvrières pendant leur recherche incessante pour la nourriture. Et puis, l'inconnu rompit l'emprise qu'il détenait sur l'articulation de l'épaule de Malagar.

- M-m-m-mais...
- Qui a-t-il, encore? demanda le type encapuchonné.
- Mais c'n'est pas juste! Tu n'as même pas porter un seul coup! Tu triches! s'écria le jeune Iop, humilié par cette défaite qu'il n'a su prévoir.
- Ce n'est pas de mon ressort de te faire du mal, saches-le.

Malagar se retourna rapidement sur le dos, pour voir son interlocuteur. De part la capuche, il put voir un simple sourire déguisé dans l'ombre de la cape, mais pas les autres traits du visage. Cependant, il put discerner une espèce de barbe poivre et sel, d'un bouc de proportion moyenne. Un vieillard! Il avait été battu par un vieillard! Il prit une mine déconfite, encore plus humilié que lors de la réalisation de sa défaite. Il riva le regard vers le sol, jusqu'à temps que...

- Dit, j'attends toujours la réponse à ma question, moi...

Il releva la tête, et se croisa les bras en faisant la moue. Décidément, l'enfant était un brin mauvais perdant, chose souvent partagé avec les autres jeunes du village, ce qui pouvait donner lieu à des disputes plutôt animées. Se rappelant un certain caractère égoïste qu'il avait eu plus tôt, il se ravisa à faire la tête, et baissa honteusement la tête. Il ferma les yeux, rongé par le remord. Il se releva debout, face à celui qui le contemplait désormais.

- Excusez-moi, m'sieur, j'aurais pas dû vous piéger comme ça. C'tait pas valeureux, et plutôt moche... C'est que j'n'aime pas jouer les seconds violons, et qu'j'ai cru que vous étiez une menace potentielle pour Gaulmes... M'enfin, balbutiât Malagar. Vous savez, c'est dur d'être respecté quand personne nous prend au sérieux... Et tout c'que je voulais, c'était de prouver que je n'étais pas qu'un Piou à leur yeux... J'vous demande pardon, pardon pardon par...don.
- Ecoutes, petit, commença l'homme. Je vais te pardonner, parce que je ne suis point un bourreau, ni quelqu'un de rancunier... Dit, t'as sûrement parler de moi à ton vieillard de parent, Engor, pas vrai?
- Quoi? Vous connaissez mon arrière-grand-père?! Mais... Mais... Vous êtes qui d'aboreuh? questionna vivement l'adolescent, déstabilisé.

L'homme éclata d'un rire franc, et grave. Il se racla la gorge, avant de regarder Malagar droit dans les yeux une nouvelle fois. Cette fois-ci, le petit Iop discerna des pupilles d'une couleur somme toute inhabituelle. Des yeux de couleur grisé. Son regard était perçant, comme s'il parvenait à gratter quoi que ce soit dans votre tête lorsque l'on croise ce dernier. Quelque chose qui pourtant, semble inspirer à la confiance, à dire la vérité, à tout révélé. De même qu'à ce moment-là, de ses petits yeux ronds, il constata que le regard de ce dernier était rempli de bonté.

- C'est une longue histoire, petit. Il te l'expliquera sans doute, lui. Pour l'heure, je vais aller me reposer un brin. Me restaurer... Tu vois?

Malagar hocha de la tête lentement, sans dire un traitre mot. Que pouvait-il bien faire, maintenant? Rester planté là était sans doute plus judicieux que de paniquer. Et puis, un Iop ne cède jamais à la panique... En théorie. L'homme tapota l'épaule du jeune à trois reprises, signifiant dans le langage corporel qu'il ne devait pas s'en faire pour ça. Puis, l'homme lui tourna le dos, afin de s'enfoncer dans la forêt via le sentier étroit et très peu dégagé. Une brise constante faisant flotter la cape sombre de ce dernier tel un étendard haut-perché sur un mât, saluant l'arrivée de la fraicheur du vent matinal. Le peu de lumière s'éclipsa de la clairière, laissant Malagar dans la quasi-pénombre. Il entendit soudainement la voix de l'homme, se répercutant contre les arbres, jusqu'à atteindre les tympans du Iop.

- Dis-lui de ma part ces deux mots : Adren Haline. Il comprendra, tu verras. On se revoit demain, petit!

L'homme disparut dans la végétation. sans laisser de trace. Puis, une chose se fit claire dans la tête du jeune homme tandis qu'il leva le nez vers le ciel qui commençait à devenir étoilé.
Il venait de rater le repas du soir, son ventre le lui rappelant.
Quel gâchis.
01:48:10 16/04/2010
- Quoi? Tu es vraiment sûr d'c'qu'tu avanc', gamin?

Malagar hocha timidement de la tête, et le faciès surpris du vieillard se fit encore plus évident. Sa mâchoire aurait pu tomber par terre si les circonstances le permettait, mais il était tout de même loin du moment où il commencera à perdre des morceaux comme les Cybworks. Le vieil homme commença alors de faire les cents pas, en tournant en boucle autour d'un point invisible sur le sol. A partir de ce moment, le jeune Iop se posa énormément de questions. Son arrière-grand-paternel semblait connaitre cet homme. Cet «Adren Haline». «Mais d'où connait-il cette personne?», «Pépé Engor me cache quoi?» et «Quand est-ce qu'on mange?» faisaient partis des nombreuses interrogations qui circulait dans son esprit juvénile. Après quelques instants d'hésitation, Malagar se décida enfin à questionner son arrière-grand-père qui était occupé à paniquer intérieurement.

- Pépé, tu connais ce type?

Engor stoppa net, et braqua son regard vers Malagar. Les yeux encore jeunes du Iop le contemplait, remplit de questions. Devant ce regard plutôt inquisiteur, il soupira lentement.

- Oui, j'l'connais, cet homm'.- Ah, et de quel manière?
- On s'est connu pendant qu'j'étais encor' sur les chemins d'l'aventur', mon petit. Ca fait déjà quelqu' années d'ça, et l'histoir' est plutôt longu', répondit Engor, avec un brin de nostalgie dans la voix.

Malagar fut brièvement confus après cette réponse d'Engor. Il ne croyait pas que ce vieillard était autrefois un de ces aventuriers qui se lançaient à la recherche de la gloire et de nouveaux horizons. Il secoua la tête vivement.

- J'ai un peu de mal à croire que tu as déjà été un combattant!
- Ah bah, tu as l'droit d'n'pas croir' ton vieux, gamin. D'tout' façon, j'n'ai rien pour t'prouver mes dir', mêm' pas un trophée, fit Engor avec l'esprit ailleurs.

C'est précisément à ce moment que quelqu'un cogna à la porte, laissant un vieillard et un jeune garçon interloqués sur le coup. Ils se regardèrent l'un et l'autre, s'échangeant des regards confus. Ils ne bougèrent pas dans l'immédiat, toujours sous le choc de l'interruption momentanée de leur discussion sur l'étrange nouvel arrivant du village de Gaulmes. La porte encaissa de nouveau une nouvelle salve de coups légers. Malagar prit alors l'initiative d'aller ouvrir, il ne fallait quand même pas faire trop patienter le visiteur. Tel ne fut pas sa surprise quand, en ouvrant la porte complètement, il vit justement le sujet de la conversation directement devant lui, le dominant de sa grandeur et sa largeur.

- Salut, Malagar! s'exclama Adren, avec un sourire aux lèvres.

Le jeune Iop surpris, incapable de prononcer une seule syllabe, se contenta seulement de lever la main droite en guise de salutation en esquissant un demi-sourire qui laissant transparaitre son malaise. Le chevalier haussa un sourcil, amusé, ce qui eut un effet amplificateur sur la gêne de l'adolescent.

- Je dérange? Questionna Adren Haline, en éclatant d'un rire franc.
- Je ne sais pas tr.
- Toi! interrompit brusquement Engor, coupant de ce même fait toute possibilité futur Malagar de tenter ne serait-ce qu'une manoeuvre vocale.

L'homme aux cheveux grisâtre porta son regard vers le vieillard qui le pointait presque en tremblant.

- Eh, salut, vieille branche, répondit-il avec un sourire moqueur. T'as encore plus de rides que la dernière fois, le temps te rattrape, Tornade Rouge!
- T'as pas changé, espèc' d'insolant. Viens-là qu'j't'en carr' un' bonn'!

Engor entreprit soudainement d'aller à la rencontre du Iop âgé, ce qui fit un peu peur à Malagar qui s'éloigna un peu des lieux de la scène. Il sentait que ça allait finir mal, cette histoire. Mais contrairement à ce qu'il croyait, ce fut plutôt une accolade énergique que les deux hommes en présence se firent, relâchant du même coup la nervosité du petit garçon. Engor et Adren riaient de bon coeur, chose qui surprit profondément Malagar. Ces deux-là avaient l'air de bien se connaitre, voire beaucoup!

- Vous vous connaissez? questionna le jeune garçon, vaguement interloqué par cette soudaine démonstration d'amitié.
- Bien sûr qu'on s'connait, mon petit! Nous avons fait les quatr' cent coups, ensembl', il y a d'ça quelqu' années, répondit joyeusement le vieillard.
- Et naturellement, comme dans tout bon groupe d'aventuriers, il faut un guerrier et un guérisseur. En d'autres mots, je fonçais à tête baissée et ton arrière-grand-père s'occupait d'amoindrir les dégâts! s'exclama le guerrier Iop, en éclatant de rire, au grand dam de ce dernier.
- Si tu savais combien de fois j'ai dû l'rafistoler au grand complet avec ses imprudenc' répétés, il m'a fait pratiqué mon art à maint' repris', répliqua-t-il, dépité, ce qui eu pour effet d'attirer un rire moqueur du Iop.

Puis, après une bonne dizaine de minutes à se raconter des souvenirs de voyage, un silence lourd remplaça périodiquement l'atmosphère précédemment chaleureuse. Adren Haline fixa Malagar avec un oeil concerné. Ce dernier s'était assoupi contre le mur Est de la maison, tout près des deux hommes.

- Comment ça, pas d'entrainement Iop? Il a déjà été à un temple de notre culte pour quérir enseignement, au moins? demanda le Iop aux cheveux gris, en haussant un sourcil.

Engor hocha négativement de la tête, ce qui eut pour effet de donner à Haline un air agacé. Visiblement, il n'était pas heureux de la tournure des évènements, car s'il existait un système de valeur chez lui, l'importance du culte de Iop chez ses disciples prédominait haut la main, et il trouvait inadmissible qu'un futur guerrier ne reçoive pas l'éducation qu'il lui était destiné. Voyant que cela tournait légèrement au vinaigre, Engor se mit sur la défensive et bredouilla la vérité du mieux qu'il peut.

- J'n'veux pas qu'mon Malagar soit un typ' sans cervell' comm' tout ces Iops qui trainent sur les rout' d'l'aventur', j'veux qu'il ait du plomb dans l'crân' avant tout, ça lui servira!
- Ah ouais? Vraiment? questionna le Iop.
- Ouais, et d'ailleurs, j'vais t'en donner la preuv', ici et maintenant. Malagar, debout!

Le principal intéressé sursauta et se mit debout, droit comme une barre de fer. Il avait l'air particulièrement confus, comme s'il se demandait ce qu'il faisait là, et ce qui était le cas. Il regarda Engor avec une mine un peu ahuri, l'interrogeant du regard. Il avait hérité d'un trait du vieil Enutrof, et ce n'était pas vraiment une qualité : Il détestait qu'on l'interrompe dans son sommeil. Qui sait, peut-être avait-il le dessus sur un des Dragons Légendaires?

- Qu'est-ce qu'il y a pépé? J'étais occupé à foudroyé l'haleine fétide d'Hogousse dans mon rêve. T'as tout gâchéééé. J'y étais presqueuh, dit-il le plus sérieusement du monde, ce qui arracha un rire moqueur de la part d'Adren.
- Roh, un peu d'tenue, forban. Bon, Malagar, combien font cent multiplié par deux, et divisé par quatr'?

Ce dernier fut surpris de la question, et réfléchit quelques longues secondes, avant de prendre un air illuminé, comme s'il venait de voir son prochain cadeau de Nowel.

- Facile, ça donne cinquante! s'exclama le jeune homme, fier de lui.

Le Iop d'un certain âge eut véritablement du mal à ne pas montrer sa stupéfaction. Etre en présence d'un disciple de Iop qui savait compter, et réfléchir, c'était très rare. Il secoua la tête vivement, étourdi, et posa son regard sur le vieillard, lui qui adressait un air de défi à son ancien compatriote. Devinant ses interrogations subites, Engor perdit son arrogance, et regarda franchement Adren Haline.

- Si tu savais comment j'ai dû travailler fort dans son cas, pour lui fair' apprendr' l'arithmétiqu', et quelqu' notions éductiv' et qu'ça lui rest' dans l'crân'. dit-il, en soupirant.

Le Iop se gratta le menton, pensif, en regardant Malagar. Puis, une idée lui vint en tête, résultant en un sourire qui apparut malsain pendant l'espace d'une seconde.

- Je vais m'occuper de son éducation guerrière. Pas de n'importe quelle forme. Il a le potentiel de devenir un chevalier, pas qu'un simple soldat.
- Et qu'est-ce que ça implique? interrogea le Iop aux cheveux vermeils, brusqué.
- Cela implique beaucoup de choses, comme de devoir quitter la maison familiale périodiquement, t'entrainer dur à chaque jour, d'écouter les enseignements du maître de classe comme si ta vie en dépendait, et plusieurs autres choses, répondit calmement le sieur Haline.

Un silence suivi cette réponse, rendant l'atmosphère lourde, très lourde. Une déferlante de questions traversait la tête du jeune disciple de Iop, se remettant en question dans ses valeurs. Quitter sa sécurité et son confort n'était jusqu'ici pas une question. Il voulait rester en protéger chaque habitant comme il le voulait. Participer à l'essor du village, en faire partie. Prouver qu'il pouvait travailler dur lui aussi, et en faire profiter les autres au détriment de lui-même. C'est quelque chose de simple, à son image. Mais l'avenir semblait lui réserver autre chose. Tout maintenant était une question de réflexion. Des souvenirs lui vint à l'esprit. Morbides fut les images, mais inconnu était leur provenance dans une amnésie partiel de l'être en soi. Cela lui fit peur. Oui, il était apeuré. Sentiment réprimé par ses condisciples Iop lors de leur création, car un guerrier sans crainte s'avance à tête baissée dans l'échauffourée. Un être doué d'une conscience y penserait à deux fois, et Malagar était un de ces rares Iop qui en possédait un. C'est cette même peur que l'évènement inconnu se reproduise qui l'envahit, et qui le motiva à prendre ce qui allait peut-être être la plus grande décision de sa vie.

- Je. D'accord, balbutiât le jeune homme, ce qui surprit au plus haut point le vieux routier qu'était Engor. Je suis prêt à tout. Pour devenir quelqu'un d'important pour les autres.

Adren prit un air sérieux, limite sévère. Il n'était pas connu pour être un tendre avec les aspirants-guerriers, sûrement lié à quelques problèmes qu'il avait du rencontrer en compagnie de jeunes têtes brûlées.

- Bien, prépare tes bagages, nous partons à l'aube.
01:51:16 16/04/2010
Xélor. Maitre du temps. il a le pouvoir en temps que Dieu du panthéon de pouvoir contrôler le temps, notamment grâce à l'horloge de Xélor. Un cadran qui détermine l'heure, le jour et la nuit sur Terra Amakna. Qui décide de comment les années défileront. Un rythme qu'un simple humanoïde ne pourrait contrôler, ne pourrait toucher, ne pourrait voir. Pour d'autres, le temps passent vite, et pour certains, la vie devient lente. Ces secondes, ces minutes, ces heures ainsi que ces jours. Le jeune Iop avait quitté son village pour suivre un maître qu'il ne connaissait à peine en Adren Haline. Il avait été poussé dans sa décision pour un sentiment inexpliqué, sorti de nul part. Peut-être aurait-il décliner l'offre en temps normal, mais ce même souvenir l'avait complètement prit de revers. Il s'était lancé dans la gueule du Milimulou, sans vraiment en comprendre les conséquences et les répercussions sur son futur en temps que disciple de Iop. Lui qui était si petit, si chétif, dans sa douzaine d'années et sa voix cristalline d'enfant innocent. Il s'y était résigné, pour apprendre la vie plus vite qu'il ne l'aurait senti dans un champ de blé d'or, ou encore à faire la navette entre le puits et la boulangerie locale. Maintenant, sa jeunesse était derrière lui et pour cause.

Il était sur le chemin du retour. L'ancien chemin de terre qui menait au village avait changé pour une route pavé. Décidément, les autorités d'Amakna avaient jugés bon d'embellir un peu les routes de l'arrière-pays, suite aux demandes incessantes des petits villages entourant le château de la royauté. Les temps avaient changé, les paysages n'étaient plus vraiment les mêmes. Toutes ces années, passés à s'entrainer, à lire, à pratiquer une certaine diction en présences de personnages importants, et s'entrainer encore et encore sans relâche. Le Iop de Gaulmes de jadis était disparu. Néanmoins, en regardant le visage fier qu'affichait Malagar durant sa longue et pénible marche était signe qu'il n'avait oublier l'endroit dans lequel il avait vécu, il y a maintenant six ans de cela. Un souvenir de l'église lui vint à l'esprit à ce moment-là.

« - Malagar, je crois devoir te laisser ici. Je vais retourner à Gaulmes, pour aller donner des nouvelles à ton arrière-grand-père. Ca ne me fera pas de mal, vu que j'ai moi-même besoin de faire un peu d'exercices, avait dit Adren Haline, avec un air souriant à son apprenti.»

Depuis une année, c'était la même veine. Le Iop aux cheveux vermeilles voyaient son maître faire les allez et retours entre chez lui et le village. Cela l'intriguait, et les questions fusaient de de part en part. Malagar s'ennuyait de son chez-soi, et l'atmosphère calme des classes ainsi la dureté des entrainements que leur faisait supporter le maître de classe n'avaient rien à voir avec ce que le jeune Iop aimait. Mais comme l'avait dit si souvent Adren, il fallait qu'il continue de souffrir physiquement et de s'exercer mentalement pour prouver sa valeur. Ils n'étaient pas beaucoup d'élèves, et à chaque année qui passait, il y avait de moins en moins de futurs chevaliers dans la petite section du temple qui leur était réservé. Six heures pour dormir, parfois à peine, à se faire réveiller brutalement parfois en pleine nuit pour des entrainements surprises. Le sommeil était profond, tantôt léger. Les cernes apparaissaient, mais il devait continuer de travailler, travailler, travailler. Il eut bientôt dû devoir s'adapter à ce climat de caserne de soldat, ou le militarisme constamment imposé aux jeunes hommes et parfois même femmes qui étaient dans la caserne. Des liens se formaient de temps à autre. S'il y avait des filles, des couples. Mais étrangement, Malagar était peut-être le seul à devoir affronter la solitude jour et nuit durant, sans presque aucune épaule sur qui se poser en cas de problème. Les autres le regardaient croches, et les Iopettes ne portaient guère d'intérêt. Ses tentatives pour tenter de changer la donne s'était avéré infructueuse. En allant des affrontements perdues jusqu'au tentatives d'exploits intellectuelles, certes réussi, mais qui avait l'effet d'éloigner les filles plutôt que leur mettre le grappin dessus, et d'attirer les railleries des autres Iops, qui ne donnait pas grand chose d'un Iop qui savait compter. Donc, le jeune Malagar avait à composer avec ça, et le manque de sommeil.

Mais tout ceci eu l'avantage de lui forger un caractère et des nerfs d'acier. Et puis, la dernière année, il avait nettement changé. Il approchait sa dix-huitième année d'existence en ce monde, et il s'apprêtait à partir de l'endroit. Il avait grandi comme une vilaine pousse de mauvaise herbe, et avait grossi suffisamment pour dépasser en taille les autres, du moins certains. Cependant, sa musculature pourtant très solide pour son âge n'avait pas beaucoup de volume. Il mesurait près d'un mètre et quatre-vingt centimètres, mais ne pesait pas très lourd. Cependant, il avait l'avantage de la rapidité, et la fine épée d'apprenti faisait le travail comme il le voulait. Soudain, un des types qui l'avaient si souvent raillé s'approcha de lui, inconscient de ce qu'il faisait. Malagar tourna la tête en sa direction, devinant instantanément ce qui allait se produire. Les disciples Iopettes regardaient aussi le spectacle, amusées. Le Iop aux cheveux vermeilles ferma les yeux, indifférent. Reuk, celui qui avait toujours l'habitude de le maltraiter publiquement, prit la parole. C'était un type connu pour être pas franchement gentil envers les plus petits que soi, et profitait de cet avantage pour les humilier physiquement et psychologiquement. Malagar avait goûté à sa médecine à de nombreuses reprises dans le passé. Les yeux fermés étaient sûrement un indice pour lui d'encore frapper le jeune homme de Gaulmes une fois de plus. Il était quand même grand, il dépassait de plus de cinq centimètres, et sa mâchoire carré ainsi que son air hautain, suivi de son sourire méprisant à l'endroit de ses compatriotes trahissaient bien sa supériorité évidente sur la troupe. Et comme il était le plus fort de toute la bande, les filles encore célibataires allaient se disputer le droit de pouvoir peut-être sortir avec lui. Tout le monde, presque sans exception aucune. Reuk poussa le Iop Gaulmien avec violence, avec un sourire encore plus large. Il souhaitait provoqué de la soumission de la part de son interlocuteur.

- Ahah, tu n'vaut rien ici! Tu es faible, et je compte bien t'le rappeler une autre fois... Parce que je suis le meilleur, ah, dit la brute, avec un rire moqueur en accompagnement.

Malagar ne réagit pas tout de suite. Il ouvrit les yeux. Des yeux déterminés, réfléchissant son énorme volonté. Il fixa son opposant, et regarda ailleurs. Il croisait du regard les filles de la troupe qui semblait suivre Rauk comme si elles étaient accrochées à sa semelle de bottes. Il serra des dents, ce qui attira encore plus les railleries de son opposant.

- Ca, suffit, s'exclama Malagar, soudainement.
- De quoi, mooooooonsieur le Piou rouge?
- J'ai dit, ça suffit!
- Oooooooh, voyons-nous ça. Le Piou rouge se transforme en joli petit tofu volcanique, que c'est mignon, se moqua l'autre jeune homme, se croyant en position de supériorité sur sa victime. Allez, je vais te donner une petite raclée comme d'habitude, et on en reparlera plus. Mais je vais être conciliant : Embrasse mes pompes, et je laisse passer ça.
- Hors de question, espèce de Boufton noir. Tu ne vaux même pas mon appréciation.
- Dans ce cas-là... Je vais te les faire embrasser de force!

La brute s'élança alors sur Malagar avec un de ces sourires carnassiers, comme un Mulou s'apprêtant à manger un sanglier des plaines. En prenant son élan, il lança un rude crochet de droite au visage de Malagar, suivi d'un deuxième large crochet de gauche qui l'atteignit également sur la joue. Malagar eu à peine la temps de reculer que Rauk lui avait collé un uppercut directement dans l'estomac. Le Iop de Gaulmes fléchit des genoux, cherchant son souffle. Rauk s'empressa alors de lui tenir la tête le plus bas possible, afin de réaliser son objectif, ce qui entraina son rire sadique ainsi que les encouragements des autres jeunes qui les avait entouré tout les deux. Le cercle formait en quelque sorte une espèce d'arène. Ce court instant de récupération avait pourtant suffit à Malagar à aller chercher de nouvelles forces.

« Non, pas encore... Ca n'arrivera pas...»

- J'ai dit NOOON, hurla Malagar.

Il saisit Rauk alors violemment par la ceinture, qui s'avéra surpris de la manoeuvre, et Malagar profita de cet instant pour lui serrer la gorge de son autre main. Puis, il contracta ses muscles, et projeta son rival à l'opposé de lui, par terre, dans une espèce de prise improvisée sur le coup. Puis, il garda sa distance pendant que son opposant se relevait rapidement. Malagar ferma les yeux, et enleva son chandail, se retrouvant ainsi torse nu. Ensuite, il secoua les épaules, ainsi que ses jambes. Il se frappa les mains l'une contre l'autre en un seul coup. Ce geste signifiait alors en langage Iop qu'il était maintenant prêt à se battre véritablement, car ceci avait pour effet de diriger la circulation sanguine vers les poings. Il ferma ses poings et redressa sa garde devant lui, la main arrière plus élevé que sa main avant. Malagar étant droitier, sa main relevée était la droite, tandis qu'il présentait son poing gauche principalement vers l'avant. Il fit signe à la brute Iop de s'approcher, avec un air neutre et concentré, qui ne manquait pas de déstabiliser Rauk Haï.

- Ah ouais? Tu veux vraiment te faire étaler, demanda la brute épaisse, avec un rire confiant. Attend que je te montre! YAAAAAAAAAHHHH!

L'élève Iop chargea de nouveau, les poings brandie. Son visage déforma par le plaisir et la naïveté de ses attaques transparaissaient bien évidemment pendant sa courte course vers le Cyclone de Gaulmes. Malagar ne bougea pas dans l'instant. Rauk tenta alors de lui coller une grande droite en direction de l'articulation de la mâchoire. Malagar se pencha alors, et esquiva le coup sauvage donné par son tortionnaire, et profita du momentum que lui donnait la position déstabilisée. Après une esquive circulaire, il se servit de la force centrifuge et passa un court crochet de gauche par dessus le bras droit, le touchant à la tempe. Déstabilisé, la brute tituba sur le côté légèrement penché vers l'avant. Malagar reprit sa distance, et resta en place, en plaçant sa main gauche un peu plus surélevé. Rauk pivota vers la gauche de trois-quarts de cercle de manière à coller une grosse droite sur le nez de Malagar, sans succès. Cette fois-ci, le Gaulmiens ne perdit pas de temps. Il lança une main avant de la gauche, avant d'enchainer immédiatement avec une rapide main arrière de la droite directement sur le visage. La tête de se dernière recula, et il enchaina avec des crochets au corps, à la tête. Rauk répliqua avec une gauche , sans grande conviction cependant. Malagar s'approcha ensuite, le visage légèrement tuméfié, prit Rauk par le collet, en hurlant, il expédia un coup de genou directement dans le plexus solaire. Il releva ensuite le menton de Rauk, et avec de la colère dans la voix, il s'exprima.

- Le chasseur est donc chassé? Bonne nuit, Rauk Haï...

C'est après ces mots que le jeune homme aux cheveux vermeilles prit du recul avec la tête, et mit un énorme coup de boule digne des Pandawas. Rauk s'étala sur le sol tel une vulgaire poupée inanimée Sadida. Le combat avait été très court. Le Iop se massa le front, et reprit le chandail qu'il avait laissé par terre. Le cercle que les autres avaient formés autour de lui s'était déformé. Les cris d'encouragement pour le perdant improbable s'étaient tut. On pouvait entendre des murmures chez tout ceux qui avait agit en spectateur. Mais cela, Malagar n'avait pas l'air de s'en préoccuper. Il regarda ses poings, meurtris par la violence des coups qu'il avait porté à son assaillant. Quelque chose dans son visage indiquait qu'il ne comprenait pas tout ce qui s'était passé. Encore moins ce qu'il avait bien pu faire. Ses yeux ne se détachait pas du sang qui perlait timidement hors des fissures dans la peau de ses jointures Il venait de terrasser son bourreau des années qu'il avait passé à ce temple, et pourtant... Il ressentait un vide, un grand vide. Rauk étant complètement hors-service, les filles qui le suivait à la trace commençait à se réunir autour de Malagar, leur témoignant de leur impression sur sa personne.

- Wahoo! Tu es vraiment génial dit donc! Cette force, wahooo, s'exclama une Iopette, rousse avec des immenses cheveux longs et des nattes sur le côté.
- Tu es vraiment trooooop fort, mon chou. Ca te dirait, de m'impressionner un peu plus plus? allez!

Malagar leva la main. Il n'avait pas encore ouvert la bouche, et son expression sévère et indifférent signalait bien que la situation ne lui plaisait guère.

- Ecoutez, mesdemoiselles. N'est-ce pas une preuve de mauvaise volonté, vous qui me pointiez du doigt pendant tout ce temps en sa compagnie, et que maintenant que je lui ait réglé son compte, vous vous intéressez subitement à moi, interrogea le Gaulmiens d'origine. Si au moins un seul d'entre vous aurait éprouvez au moins quoi que ce soit de sincère et de vrai, elle l'aurait manifestée dès le départ. Vous me faites... Honte, mesdames.

Il tourna le dos aux jeunes demoiselles, les yeux mornes, et se fraya un chemin vers son dortoir, tout en remettant son chandail, quelque peu salit par la poussière. Il était malheureux. Il n'avait pas d'amis dans cet endroit, car il était tous pareil. Tous à suivre le plus gros et le plus fort du troupeau. Pas de loyauté, se dit-il. Il fut découragé par cette attitude d'autrui. Il erra vers la sortie de la salle, sous le regard interloqué de tout ces charmantes Iopettes un peu écervelées qui partageaient le temple avec les apprenti-chevaliers, et les apprenti-disciples du Coeur de Iop. Les murmures fusaient, puis un silence. Un grand silence. Personne ne comprenait pourquoi il agissait comme cela. Certains comprit alors leur stupidité, et ce qui restait à la formation de Malagar, ce fut quelques échanges timides, sans plus. Du moins, le Iop Gaulmiens y trouvait son compte, car il pouvait discuter de quelques trucs. Mais le seul à qui il parlait de ces choses, c'était à son maître de classe. Le seul qui semblait être en mesure de le comprendre à ce moment-là.

A ces souvenirs, Malagar était pensif, sur le chemin pavé de son village. La nuit commençait à tomber sur Terra Amakna. Il était à prévoir que l'obscurité gagnerait entièrement le village avant qu'il arrive. Encore quelques heures de marche, avant de découvrir ce qui avait changé dans son village natal. Il s'arrêta, et déposa son lourd sac de voyage sur le sol. Une clairière était à proximité, là où on pouvait faire un feu sans déranger la faune locale, et risquer d'incendie des acres d'étendues forestières. Cette clairière était particulièrement petite, peut-être la taille de deux maisons collées ensemble. Juste assez pour faire un petit campement pour la nuit. Demain était un autre jour, et ses vivres lui permettaient facilement de passer la nuit, à moins d'une faim de Mulou (ou d'éventuelles visites nocturnes).
Mais demain... Le feu sera éteint. La fumée prendra son envol, perçant le ciel de son obscurité, et couvrant les rayons de soleil. Mais d'autres lueurs apparaitra. De nouvelles flammes.

De nouvelles lueurs. D'espoir, ou de lumière?
17:16:14 23/06/2010
Malagar se réveilla lentement. La nuit avait été plutôt fraiche, et le vent n'avait pas réellement la cause du jeune Iop. Il eut l'impression que quelque chose l'observait quelque part. Sûrement une sensation tirée de son rêve plutôt inexpliqué, et rempli de non-sens d'une rive à l'autre. De ce feu, qui était hier ardent et réconfortant de sa douce chaleur apaisante et tant recherché, n'était qu'un amas de cendres blanches, ainsi que de braises luttant pour rester en vie malgré le peu de combustible encore présent dans le cercle de pierre. Le soleil était à son zénith, mais le ciel éclairci n'aidait vraisemblablement pas la cause de la température globale, un frisson parcourant le corps pourtant bien constitué du Gaulmien d'origine comme une preuve. Et afin de le lui prouver encore plus, les Dieux eurent choisi d'envoyer une autre bourrasque en pleine figure du Iop, qui semblait lutter contre son devoir primaire, soit celui de se réveiller une fois pour de bon.

Il bâilla légèrement avant de regarder les alentours. Rien n'avait réellement bougé depuis hier. Aucune trace d'herbes longues manquantes, tous les arbres autour était encore en place. Cela sonnait comme une bonne nouvelle aux oreilles du jeune homme aux cheveux vermeils, mais qui en réalité était d'une banalité sans précédent pour les habitués de la forêt luxuriante d'Amakna. Le seul réel danger qui subsistait dans ces bois était la possible présence de hordes de Milimulous, de vieils Abraknydes égarés ou encore, des Roublards qui avait presque disparu de ce secteur depuis des lustres. De plus, si quelque chose devait arriver impérativement, c'était surtout lorsque la lune pleine ou en quartier dominait le ciel teinté des ombres de Brumaire. Il repoussa alors la mince couverture en laine de bouftou qui le recouvrait, et se frotta un peu sa tête en se redressant péniblement sur l'étendu de terre battu sur lequel il s'était posté. Il se leva, en regardant les braises mourantes, et regarda par la suite le ciel. Son estomac vint lui rappeler ses besoins, alors qu'il se demandait bien quel heure était gravé dans l'horloge de Xélor pendant ce temps. Massant son ventre péniblement en grimaçant, il regarda au loin. Pas plus de quatre-cent mètres séparait son modeste campement d'une rivière d'une certaine proportion. Et qui dit rivière, dit poisson. Son système digestif affirma avec fureur ce message, Malagar grimaçant de nouveau.

- J'pense bien que j'vais devoir laisser mes affaires ici, le temps que je pêche le nécessaire, se dit-il, alors qu'il assemblait la canne à pêche qu'il avait préalablement sorti de son sac.


Il s'assura qu'aucun petit malin ne trainait autour, chose qui serait improbable au vue de sa position géographique ainsi que de l'heure. Même les Srams mangeait leur soif de richesse avec des légumineuses et du lailait en ce moment. Du moins, c'était ce que son arrière-grand-père lui avait mainte fois répété pendant sa croissance, pour forcer la fin de la phase du refus infantile. Engor avait dû confronter le caractère borné légendaire de Malagar sur ce point. Finalement, ce fut la promesse de l'interdiction de dessert qui avait mit fin à la tourmente. Il souriait à cette pensée, éclatant même de rire dans la même occasion, tandis qu'il avait déjà franchi la moitié du chemin qui le séparait du point d'eau. La canne à pêche sur son épaule, il se baladait de façon assez insouciant, en sifflotant un air faux de musique épique. Du moins, tentait, car il avait énormément de difficulté à siffler correctement. Il aurait sûrement dû prendre exemple sur les nombreuses mademoiselles qu'il avait croisé sur la route depuis son départ du temple, va sans dire.


Il ne fallait quand même pas se leurrer, Malagar était passé du morveux pas franchement attirant au stade du beau jeune homme poli et serviable. Pour ces côtés-ci, ce fut à la dure qu'il l'eut apprit, parfois à coup de triques, ou à coup de bible. Et il préférait franchement mieux le bout de bois à l'immense livre sacré, qui devait peser au moins trois tonnes (Enfin, surtout pour un enfant). Et pour avoir grandi, il avait grandi! Il avait rapidement dépassé en taille la plupart de ses congénères, de même que l'entrainement extrêmement rigoureux lui avait constitué une charpente respectable, voire même légèrement imposante. Malgré tout, malgré son corps qui semblait avoir poussé et grossi comme une touffe de mauvaise herbe, son visage, lui, n'avait presque pas changé. Cependant, les imperfections tel que l'acné de l'adolescence n'était plus, il était toujours aussi imberbe, de même que ses favoris ainsi que sa coupe de cheveux n'avaient pas prit de taille aussi disproportionné que ses confrères Iops. Cela lui donnait certes un air différent, mais c'est bien cela qui faisait son charme. Sans parler de son comportement différent de la majorité, ce qui pouvait le rendre terriblement imprévisible auprès des gens habitué aux préjugés sur les Iops.

Ce fut cinq minutes plus tard qu'il arriva en bordure de la rivière, la canne à pêche en main. Il sourit un brin, avant de prendre son élan. Dans une torsion du poignet assez habile, il donna un coup solide, juste assez pour propulser la ligne au moins à une trentaine de mètres devant lui.

- Bon, je peux m'allonger un instant, cela risque de prendre un bout d'.

Ce ne fut pas long avant qu'un poisson morde à l'hameçon. Et de la manière qu'il tirait sur la ligne, cela en avait tout l'air d'une grosse prise. Malagar avait commencé à s'asseoir pendant ce temps. Il fut donc prit hors position, luttant autant pour son équilibre que pour garder son précieux repas au bout de ligne. Et hors de question de laisser filer son seul moyen de subsistance en sa canne à pêche, se disait-il, luttant avec l'énergie du désespoir. Sous les énormes éclaboussures qui brouillait la surface de l'eau pourtant clair de la rivière, le mastodonte se battait pour sa survie tel un Iop devant une pile de devoirs. A peine que le Iop revenait en position debout que le combattif poisson y tenta d'une autre poussée défensive. Mais cette fois-ci, le Gaulmien d'origine était solidement planté sur ses pieds, et il tira de toutes ses forces. Et d'ailleurs, la progression musculaire de Malagar se faisait bien sentir, car l'on pouvait voir ses muscles saillants se contracter. Et pendant qu'il s'évertuait à contrer les assauts répétitifs de la puissante bête, ses artères, ainsi que ses veines, irriguaient à pleine capacité ses bras, ce qui les faisait ressortir légèrement. Il fit une torsion violente, catapultant le poisson haut dans les airs. La courbe que l'animal aquatique écrivait dans le ciel laissant croire qu'elle allait retombée directement sur la terre ferme. Malagar eut espérer que son futur repas puise retomber sur le rivage. Ce fut plutôt sur une énorme touffe de verdure, à près de 5 mètres du rivage, que celui-ci décida d'atterrir. Après avoir suivi la trajectoire aérienne de sa prise un brin interloqué, et assister à un atterrissage qui avait vraisemblablement les airs d'un écrasement, il marcha en direction de son futur repas.

« J'en ai peut-être un peu trop mis sur ce coup-là. J'vais devoir apprendre à me contrôler, je ne veux
quand même pas avoir de la bouillie de poisson » pensa-t-il.

Il s'arrêta, et se pencha légèrement, afin de dégager la végétation qui le séparait de sa prise.
Ce fut un peu avec une mine déçu qu'il considéra du regard ce qu'il venait tout juste d'attraper : Un brochet, de couleur chair, qui ne devait pas mesure plus de 9 poces. Il soupira bruyamment.

- C'est mieux que rien, n'empêche. C'est déjà ça de prit, se dit-il, à basse voix, comme pour tenter de se remettre en confiance après ce qu'il considérait être un échec cuisant.

Cependant, la chose qu'il ne savait pas forcément, dû à son manque d'ancienneté dans le domaine de
la pêche, c'est que les brochets sont redoutés par nombre de pêcheurs, même expérimenté. Et pour cause, ils peuvent faire la vie très dure à celui qui guette un souper du soir dans une rivière d'allure calme, en les poussant au bout du rouleau. Certains mêmes coupent leur ligne lorsque ce genre d'affrontement musclé se produit. Néanmoins, la chair de ce poisson est particulièrement nourrissante, suffisant à lui seul de combler l'appétit des plus voraces aventuriers. Ignorant ce fait, il saisit donc le prédateur des rivières par ses branchies, avant de retourner lentement à son camp improvisé. Pourtant, malgré tout les faits, et tout ce qu'il avait pu expérimenter avec son entrainement ardu et acharné, pour lui, la grandeur d'une personne ne se compte par rapport à la qualité de ses succès. Et, un peu masochiste, il minimisait ce qu'il faisait, faisant tout passer sur le dos du devoir, en toute modestie. Chose qui avait attiré un peu la sympathie des gens sensibles, et aussi la haine de certains ayant la mauvaise langue facile. Selon eux, il n'était personne. Un moins que rien. Son affrontement contre la brute en avait fait foi, et ce qu'il avait réalisé, c'est qu'on ne pouvait pas plaire à tout le monde. Il y avait toujours, par contre, cette obsession d'aider, de vouloir contrôler la situation à tout prix. Un acharnement qui n'avait fait qu'empirer la haine de ces mêmes brutes, exaspérés d'avoir à faire face à une telle résistance à leur 'talent'' pour pousser quelqu'un à la soumission.


Il arriva à son camp, et contempla ce qu'il restait du feu. Il y avait toujours ces quelques braises qui s'acharnaient à rester en vie, dans l'océan de cendre blanchâtre et rocailleux que laissait l'impression des nombreux morceaux de bois carbonisé, dispersés un peu partout dans tout le paysage hivernale. Hiver, signe de mort avant la renaissance. Et le feu, tel un phénix, pouvait renaitre de ces propres cendres. Le vent souffla, faisant rougir les braises quelque peu. En utilisant quelques brindilles séchées, Malagar contribua à l'effort pour achever le travail. Et bientôt, le feu reprit lentement l'intensité tantôt apaisante de la dernière journée. Le vent se calma, presque comme par magie. Satisfait, le jeune homme entreprit d'apprêter le poisson. Et naturellement, son estomac, grognant férocement la faim qu'il ressentait, fit accéléré tout le processus.


Il eut fini de manger, son Mufafah interne s'étant calmé peu à peu, à mesure qu'il mâchait les morceaux généreux de ce brochet. Regardant autour de lui, il se tapa légèrement le bide, totalement rassasié de ce repas. Même que l'on pu deviner la surprise dans ces yeux, lui qui ne s'attendait pas à ce que ce ridicule poisson prenne autant de place dans la machine à digérer. Une légère brise soufflait sur son visage, chatouillant et déplaçant à peine sa chevelure vermeille. Du moins, pas suffisamment si l'on comparait aux doigts de sa large main qui passait également par là, alors qu'il regardait le sentier qui le mènerait bientôt à son village natal, Gaulmes. Il repensa à tout ce qui pouvait bien le charmer dans ce petit coin de pays idyllique. La clairière où son arrière-grand-père allait fendre l'air avec sa pelle pour se garder en forme, la boulangerie et son pain chaud, l'étang aux goujons où il passait parfois des journées entières. Il soupira, et fut amené hors de ses pensées par un crescendo soudain du crépitement du feu. Chose qui ne dura qu'une fraction de seconde, mais se fut nettement suffisant pour le tirer de sa rêverie, et se concentrer sur son objectif. Il entreprit donc, dans un soupir, de tout ranger, et nettoyer ses traces. Il creusa que légèrement avec la pointe de son couteau, et ramassa une bonne portion de terre, humide et noire, la jetant sur le feu, l'étouffant en un éclair dans la foulée. Il replia également la couverture en laine de bouftou, la fourrant dans son sac de voyage, et rangeant sa canne à pêche dans la foulée. En fait, il n'avait pas grand-chose, que le strict nécessaire, duquel il fallait ajouter une épée, et une targe en guise de protection personnel, car l'on sait jamais sur quoi l'on peut tomber sur une route peu fréquentée.


Et puis, une marche. Pas à pas, les mètres s'accumulaient aussi vite que les gouttes lors d'une douce précipitation en une fraiche matinée. Des centimètres, des mètres, se transformaient tranquillement en kilomètres. Les minutes, en heure, en plusieurs dizaines de kilomètres. Personne sur les routes. Absolument rien, peut-être quelques Moskitos qui venaient embâter le colosse lorsqu'il avait le malheur de passer prêt d'un point d'eau stagnante, rien de plus. Quelques Pious venaient picorer, s'envolant lorsque les vagues de résonnance des pas lourds de la carcasse Iop en marche s'approchaient ne serait-ce qu'un peu trop de leur emplacement. Le soleil, lentement, commençait à se coucher sur le monde des Douzes. Mais même l'annonce d'un sommeil, plongeant les environs dans une noirceur promise depuis que l'astre brûlante commençait à plonger vers les abysses de la nuit, ne pouvait décourager Malagar Lagoras. Il voulait y arriver, il voulait voir tout ce beau monde qui l'attendait sûrement. Voir son arrière-grand-père, après toutes ces années passés dans l'ombre de la cathédrale des Disciples de Iop, à combattre, s'entrainer, et étudier l'art de la manipulation et l'histoire de la guerre chez les Iops (Souvent restreint à des légendes du Dieu Iop, ou des récits sur Goultard le Barbare). Finalement, la maison approchait, se disait-il. Mordre à pleine dent dans un des délicieux pains d'Hogousse (Qui, au contraire du boulanger, n'a pas d'haleine.). Consacrer son temps à ce qu'il avait toujours rêvé. Protéger le village, et jouer les gardes, pour de bon.


L'ombre était finalement tombé sur Terra Amakna. Le regard du jeune Iop était rivé sur le sol, qui ne représentait maintenant qu'une mince parcelle de terre battue. Il s'était enfoncé légèrement dans la forêt. Tout était calme. Quelques brindilles craquaient sous le poids de ses bottes, son rythme ayant quelque peu ralenti depuis une heure, ou presque. Sa gorge était sèche, il fallait bien qu'il reprenne un peu de force avant de continuer. Il s'arrêta, et s'écarta légèrement de la route, lançant son sac sans plus de grâce que cela au pied d'un jeune érable. Il mit un genou par terre, et décrocha sans plus attendre sa modeste gourde, qui était attaché sur la sangle qui maintenant le sac fermé. Il déboucha le tout, et bu le mince restant avec empressement. Il toussa quelque peu, esquissant une vilaine grimace. Le précieux liquide, celui nécessaire à toute vie, avait chauffé quelque peu au soleil depuis son dernier arrêt. Son goût était quelque peu ferreux, un peu comme celui d'une eau trouvée au fond d'un puits. Buvable, mais pas franchement bonne. Il soupira, massant sa gorge, et remisa sa gourde à l'intérieur de son sac, avant de ramasser le tout. En se levant, il constata que le silence était toujours de mise à l'intérieur des étendues forestières bordant le village. Ce n'était qu'une simple question de
minutes avant qu'il tombe directement dans l'immense clairière dans laquelle était situé Gaulmes. En levant les yeux au ciel, il perçut comme une lueur orangée. Faible, mais bien présente. Plein sud, dans sa rapide analyse par rapport à où il était situé sur sa carte. Le silence. Trop présent. La lueur. Il reprit sa marche, l'esprit quelque peu troublé.

« Mais qu'est-ce qui peut bien se passer. »

Il secoua la tête légèrement, en continuant son chemin. Plus il s'enfonçait dans la forêt, plus la lueur s'intensifiant. Son pas ralentit considérablement, regardant le ciel, et autour de lui de plus en plus fréquemment, ses pensées confuses l'envahissant. Il déglutit. Il pressentait quelque chose. L'adrénaline s'empara doucement du Iop, et la longueur de ses pas augmenta. De plus en plus, passant de grandes enjambées à la course pure et simple. Quelques branches lui égratignèrent le visage pendant sa brutale incursion au travers de la forêt. Même un Trooll éméché n'aurait pas causé un tel vacarme, avec tout le bruit que causait le bois sec qui cassait sous ses pieds, et les obstacles qu'il franchissait sans grande prudence. Courir, sauter, courir, sans s'arrêter. Des hurlements de fureur, mêlés à ceux de peur, faible, mais audible. Il sprinta, carrément, avant de finalement mettre les pieds dans la clairière de sa jeunesse. Il s'arrêta, ses yeux s'agrandissent à un tel point. Surprise. De mauvais augures. L'horreur pouvait être déchiffrée aisément, même par le plus inconscient des observateurs. Des flammes, partout. Dans les champs. Les brasiers multiples autour des maisons. Certains n'étaient pas encore allumés, mais ce n'était qu'une question de temps. Il fit ce que la morale Iop prescrit toujours. Foncer, à tête baissée, vers le danger et espérer que tout fonctionne. Il se reprocha vite, très vite. Les hurlements s'intensifièrent dans ses tympans. Souffrance et rage, moteur de tout un paquet de tragédie incompréhensible qui aurait pu affecter le monde des Douzes pendant son existence. L'incompréhension, tandis que les flammes dansaient devant ses yeux. La chaleur devenant incommodante, il eut le réflexe de se mettre la main devant le visage. Pour protéger ses orbites. Le centre du village, enfin. Il regarda tout autour de lui, et comprit.

Trop tard.

Des cavaliers noirs circulaient dans un chaos inédit, un rythme infernal, maitrisait leur destrier de façon totalement désordonné. Des épées, des lances, des haches. Emoussées, aiguisées, qu'importe. Et les torches, porteuses de l'essence même de la destruction. Le temps semblait ralentir. Il voulait fermer les yeux, se pincer en souhaitant que ceci n'était qu'un cauchemar, qu'un mauvais rêve. Il ne put pas. Il tourna légèrement la tête. Un paysan, prit de flammes, courrait en sa direction, hurlant tout l'air qu'il avait dans ses poumons. Une bruyante complainte de souffrance.

AAAARRRRR! AAAAA L'AAAAIID-

Il n'eut même pas l'occasion de finir sa phrase. Son visage avait sûrement rayonné de beauté, mais sous la cuisson forcée, il était complètement déformé. Il mourrait, lentement. Un cavalier en armure, avec un casque avec des cornes, eut tôt fait d'abréger son horrible souffrance. Le tranchant de son sabre fendit l'air. Malagar plia des genoux, en tendant son bras, voulant l'avertir de ce danger. Encore une fois. A peine la pensée de l'avertissement commençait à sortir de sa bouche, un son horrible parvint à ses oreilles, une image répugnante à ses globes oculaires. La tête du paysan venait d'être partiellement sectionnée, un filet de sang projeté sur le côté. Le restant du corps voulait poursuivre la course, et vint plutôt s'échouer au pied du Iop. Son regard ne se détachait pas ce que qui abritait autrefois des pensées, une conscience, une intelligence, des compétences acquises. Et du sang qui commençait à toucher la semelle de sa botte droite. Il mit quelques secondes avant de reculer de quelques pas, ne savant pas quoi faire. Il tomba sur son derrière, en contemplant le cadavre encore fumant du paysan. Le feu sur les vêtements de l'homme, possiblement dans la trentaine, allai le consumer petit à petit. Avec un peu de chance. Il n'en resterait que cendres et squelette le lendemain. Mais si ce corps pouvait être embrasé, détruit, le souvenir allait rester dans l'esprit du jeune Malagar.

Il hurla. L'horreur, et se releva, en hurlant de nouveau tout l'effroi qu'il avait emmagasiné jusqu'ici. Il se plaça la main devant la bouche. Son instinct de survie lui disait de se taire, et avec raison. Il ne voudrait pas finir comme ce pauvre homme, attirer l'attention ne serait-ce qu'une simple seconde des cavaliers de l'ombre, avec leur armure étrange, d'un noir de nuit, de rouge. Peinture ou hémoglobine, la question ne pouvait même pas se poser. Il ne voulait pas savoir. Il posa une main tremblante sur la garde de son glaive, une espèce d'épée courte, courtoisie du temple à la suite de sa formation, ainsi que d'une simple targe de bois, cerclée par un contour d'acier de pauvre manufacture. Mieux que rien, surtout quand le tout est offert gratuitement, et par le maître de temple en plus. Il tira maladroitement l'épée courte hors de son fourreau de cuir, et équipa sa targe avec une certaine difficulté. Manifestement, il semblait être le seul à être armé dans tout ce village. Enfin, le seul parmi tout les habitants de Gaulmes.

Il déglutit, et se racla la gorge quelque peu, avant de s'enfoncer un peu plus dans l'enfer brûlant qu'était devenu le territoire qu'il aimait tant. Il n'avait qu'une seule chose en tête. Sa demeure. Un simple réflexe, égoïste, mais que personne ne veut contrôler. De tout son coeur, dans sa course, il espérait que sa seule famille restante, Engor, n'ait pas succombé. Quelque chose l'arrêta. Un de ses
pieds butta sur un cadavre, et il perdit l'équilibre, tombant en pleine poire. Il toussa, et braqua son regard derrière lui. Maudit soit ses réflexes.

- Hogousse!

Le boulanger à l'haleine fétide était quelque peu incomplet. Deux flèches étaient fichées dans sa poitrine, et il lui manquait une main, qui se trouvait à quelques mètres seulement de sa dépouille. A peine Malagar tournait t-il son regard qu'il aperçut le maire. Puis, le forgeron. Un autre habitant, des femmes, des enfants. Tous, mutilés, ou criblés de flèches de tout part. Certains tenaient encore fermement des bâtons de bois, des pattes de chaise, des marteaux de menuiserie, une pelle, des fourches. A la vue des choses, ils ont tentés tous ensemble de contrer la menace qui déferlait comme un raz-de-marée ravageur sur une cité côtière. L'échec se sentait à la forte odeur du sang qui s'échappait en même temps de toute cette fumée. Ce fut la chose de trop pour l'estomac de Malagar, qui se mit à genou à peine pour laisser sortir les restants de brochet qu'il avait mangé beaucoup plus tôt, mélangé à de la bile et autres sécrétions indescriptibles qui accompagne normalement le processus de digestion. Il toussa, essuyant du revers de la main partiellement couverte de poussières et d'autres saletés innommables sa bouche salit par cette démonstration de faiblesse associée plus souvent qu'à un autre à la fièvre, la maladie. Ses yeux cherchaient son domicile, espérant peut-être sauver au moins quelqu'un. Il ramassa ce qui lui restait de force mentale, avant de reprendre sa course vers son objective. Un hurlement de guerre, bestial.

- Je vais t'étriper comme un Porkass! Au nom de Brâkmar!

Son regard se tourna immédiatement vers le guerrier sans casque, d'allure plutôt large mais sans plus. Son rictus trahissait un plaisir malsain, un plaisir qui sans doute se prolongerait s'il parvenait à en tuer un de plus. La poigne de Malagar sur son épée s'intensifia, serrant des dents. Il fut prit pendant un instant à une rage folle, destiné à ce cruel assaillant. La seule réplique qu'il put trouver, ce fut plutôt en faisant parler quelque chose d'autre que lui-même. Tandis que le guerrier envoyait sa lourde hallebarde de façon verticale, Malagar n'eut qu'à esquiver simplement sur le côté. Le tranchant de la hache alla se ficher profondément dans le sol, frôlant quelque peu le colosse Gaulmiens. Le coup avait été envoyé avec une telle violence qu'il aurait pu fendre aisément le crâne de Malagar. La riposte ne se fit pas attendre. Profitant de la perte d'équilibre de son assaillant, Malagar leva son glaive, et en hurlant, alla ficher avec violence son arme dans la seule partie que l'ennemi avait décidé de ne pas protéger. La tête. La lame transperça la gorge de ce dernier, lui laissant à peine le temps de profiter une autre menace au jeune Iop. Ce fut plutôt un gargouillis sec, comme s'il s'étouffait avec sa propre médicine. Il retira l'épée courte, et y alla pour un autre coup, juste pour finir le travail. D'un geste en diagonal, descendant et à revers, il scella le sort du Brâkmarien, comme ce fut le cas pour le paysan. La même coupe. Ce qui restait de l'homme en armure tomba lourdement sur le sol, et dans une fureur terrible, le jeune homme commença à donner des coups de pieds sur le torse du cadavre. Le sang qui avait été projeté était maintenant sur le visage de Malagar. Ses vêtements, ses mains. Souillés. Ses bottes, également. Vermeil par-dessus vermeil. S'épuisant quelque peu, il continua son chemin vers la maison.

Trop tard. Encore.

Le domicile familiale était prit d'un gigantesque brasier. Le temps stoppa littéralement autour de lui. Il tomba à genoux lentement, contemplant les flammes qui dansaient. Il était impuissant devant tout ce qui se passait. Il l'avait en horreur. Mais la fiction avait nettement dépassé toute sa faible conception de la réalité. Des larmes vinrent se mêler au sang qui avait rapidement séché grâce à la température ambiante.

- P.Pardon, j'ai faillit. Eut-il à peine prononcé, entrecoupé de sanglots.

Il n'entendait plus rien. Il ne voulait plus rien entendre. Mais il y avait toujours ce petit crépitement sournois qui arrivait à percer sa coquille mentale. Il se pinça, à plusieurs reprises. Ils arrivaient. Le sol
tremblait sous leur galop. Il braqua son regard vide, rempli de culpabilité vers les soldats qui se ruait, à une lenteur folle, sur lui, brandissant torches et armes. Il pensa que c'était de sa faute, alors que ce ne l'était pas. Qu'il aurait pu empêcher tout ceci s'il avait été plus rapide dans sa marche. Son regard se perdit quelque peu au loin, la lueur orange se mélangeait avec les ténèbres scintillantes de la nuit. Il se leva avec une lenteur atroce, regardant ses assaillants. C'était son tour, dans quelques instants, tout se terminerait. Ils étaient trop nombreux. Ils approchaient. De plus en plus. Rictus de plaisir, de rage sanguinaire couvrait leurs visages, d'autres couverts par leur casque. Sept, ils étaient. Il ferma les yeux, baissant la tête. Il s'était résigné.

Les hurlements virent proche. Il put entendre un murmure. Un souvenir inconnu qui se heurtait en écho
dans sa tête.

« - Ne t'inquiètes pas, Maman est là... L'automne est sur le point de se terminer... Mais... Tu ressembles tellement à ton père... »

Douleur vive. Un hurlement perçant la nuit. Terre nourricière s'abreuvant de l'eau vermeille. Si épaisse, mais si vitale. Son ventre, il sentait encore la lame d'une froideur glaciale familière. Au même endroit, les ténèbres furent jetés sur lui, l'entourait de son voile obscur.
Il n'en fallait pas plus que ça.

Rage.
18:42:08 26/10/2010
Il s'agit d'un instant d'un instant, d'un moment, d'un mouvement. Un souffle dans la nuit, pour réaliser la perte dans la nuit, dans les ténèbres les plus profondes. Inconcevable, l'aveuglement pourtant est si facile. Moment perdu, souffle perdu. Sentiment de légèrement. Et c'est là que la question, dans l'esprit même le plus simplet, universelle, apparaît en face : « Suis-je mort ?...» Confusion si facile, compréhension si difficile. Mais pourtant, un sentiment clair subsiste, persiste. Rage. Destructrice, ravageuse, comme la pire des tempêtes maritimes. Sentiment pouvant causer la perte de bien des gens, mais pouvant à la fois servir d'arme puissante contre les ennemis de celui qui sait comment l'extériorisé. Mais ce sentiment, si violent, si brutal, si primitif, nourrit une force si noire qui en est presque impossible de le retenir indéfiniment. Et la contenance n'est pas une faculté donnée à tous. Sachons-le.

Dans une obscurité presque totale, un cri perça le silence, tel une flèche de Crâ dans le vent. Un cri de douleur, très rauque. Même dans les ténèbres les plus marqués, et les recoins les plus humides et froids, la vie... Persiste, résiste. Le jeune homme serra des dents, quelque chose semblait presser sur ses tempes avec une force inhumaine. Ou ne serait-ce que le fruit de son imagination si fertile, nourrit par les folles histoires de son tuteur. Ca tête bourdonnait, il s'efforçait d'essayer d'avoir les paupières ouvertes, basculant d'un côté comme de l'autre. Il cherchait à recueillir le plus d'information possible. Le silence total. Même pas le son d'un Mostiko. Rien. Il n'entendait que sa simple respiration, son rythme cardiaque. Une preuve qu'il était en vie... Du moins, pour le moment.

- J'adore... Entendre les râles de douleur des autres. C'est comme si j'en subissais moi-même. Délectable, non?

Malagar cligna des yeux, et se leva lentement. Du moins, il fit de son possible car pour une certaine raison, il était prit d'une faiblesse que l'on pourrait qualifier de majeure. Il essayait d'en chercher la raison dans sa tête, mais... Il y avait un trou dans sa mémoire. La seule chose qu'il se souvenait, c'était la bande de soldats armés qui avançait en trombe, dans son village en feu... Mais rien d'autre. Il était terriblement confus. Et puis... Il ne voyait même pas son interlocuteur. Interlocutrice, peut-être? Le mal de bloc dont il était prit produisait des acouphènes assez sévères. Un peu lorsqu'une détonation survient très, très près de la personne. Il attendit quelques instants, afin de reprendre tout ses sens. Du moins, il savait que sous ses pieds nu, se trouvait de la pierre, réchauffée légèrement par son grand corps pendant son sommeil... forcé? Il n'en savait que trop rien, et une arrière-pensée lui suggérait qu'il ne ferait pas mieux de chercher pourquoi. Comme si on lui bloquait l'accès à son propre registre de mémoire. Mais il cherchait et cherchait... En vain. D'autres questions se placèrent en avant-scène. Des questions persistantes. S'il ne savait pas le passé... Encore fallait-il réussir à percer le brouillard du présent.

- Oh. Tu veux aller te promener, j'imagine? Je suis désolée, mais ce privilège... ne t'es pas accordé. Et probablement jamais.

Le Gaulmiens d'origine plissa des yeux, et scruta avec ses yeux la pénombre. Ce commentaire était certes décourageant, mais également... révoltant. Il tenta de marcher en direction de la voix, ne se fut qu'après trois pas, il sentit ses chevilles se bloquer soudainement, et il tomba lourdement par terre. Et puis, il y eut un rire tonitruant qui résonna dans la pièce dans laquelle il se trouvait. Amplifié par le fait qu'il n'y que lui dans la pièce. Enfin... Sûrement. Il n'en savait rien. Le bourdonnement avait presque cessé, et il se massa les oreilles tranquillement, toujours en silence... Avant qu'il ne sente que quelque chose ne tournait pas rond. Non pas qu'il était coincé dans cette endroit, et qu'il avait apprit à ses dépends qu'il était enchaîné par les chevilles... Mais, il sentit quelque chose d'humide et chaud. Une consistance assez particulière, donc il ne pouvait que se rappeler inconsciemment. Du sang. Il saignait des oreilles. Ou du moins, avait saigné récemment. Il sourcilla, étendu de tout son long sur la pierre froide qui constituait. Tout de suite, il pensa que pendant son sommeil inexpliqué, quelqu'un avait dû lui tapé sur la tête. Du moins, assez fort pour causer une hémorragie au niveau de l'oreille interne. Du moins, il ne pensait pas à tout ces termes, il en était incapable. Ca venait de sa tête. Raisonnement basique, mais efficace pourtant. Il releva la tête, à la recherche de la personne derrière la voix qui semblait le narguer. Il n'était pas être pas une lumière, mais il ne pouvait quand même pas avoir des hallucinations auditives. Ca serait de la folie. Et c'est probablement ce qui effrayerait le plus le jeune homme : devenir aussi atteint psychologiquement que l'a été Mariona. Après tout, n'est-ce pas héréditaire, parfois? C'est ce que disait parfois le médecin local, lorsqu'il y avait encore un village qui tenait debout.

- ... J'peux savoir qui est le malade qui m'a frappé pendant mon inconscience? demanda Malagar, à la fois confus et mécontent.
- Il n'y a personne qui t'as frappé depuis que t'es ici, gros béta, répliqua la voix, qui semblait drôlement féminine.
- Pourtant, j'saigne des oreilles, affirma le jeune Iop.
- Quoi? demanda la voix, interloquée.
- J'suis blessé, ça se voit pas? dit Malagar, en laissant un ton subtil d'exaspération.
- Je suis désolée, mais t'as été pris en charge par un Eniripsa dès ton arrivée, répliqua la voix.
- Et alors? Si tu doutes, tu peux venir voir par toi-même, si ça te chante. Mais j'ai saigné, s'obstina d'affirmer l'homme, toujours étalé par terre.

Un long soupir sonore se fit entendre, et un grincement ressemblant à quelqu'un se levant d'un tabouret se fit entendre. Et selon la résonance du son, cette personne se trouvait dans la même pièce que lui. Mais où diable était-il, et qui était-ce? Il tenta de se relever, mais la seule chose qu'il vit dans avec la faible éclairage, c'est le pied qui lui écrasa la main pendant sa tentative. Malagar relâcha un gros râle de douleur, et gronda de frustration.

- Toi, tu restes par terre, et tu ne bouges pas. Sinon, je te sépare la tête du corps, menaça très sérieusement la voix.

Avant que le Iop ne puisse répondre, des mains plutôt brusque virent se poser sur sa tête et la tourner d'un coup sec. Disons qu'en matière de délicatesse, il a vu mieux. Mais bon, s'il se plaignait, il allait avoir l'air de quoi? La meilleure réponse qu'il aurait reçu aurait été un coup de pied dans les côtes. Enfin, c'est ce qu'il s'imaginait. Il était enchaîné, il se trouvait dans une pièce isolée. Plus le temps avançait, plus ça semblait évident : Il était retenu ici contre son gré, et ce, sans qu'il sache vraiment pourquoi. Une... cellule? Lui, l'oiseau en cage, cherchant désespérément une solution à tout ça. Mais dans sa tête de Iop... Il n'y avait rien. Pas même l'ombre d'une tentative. Rester passif. Passivité. Et de toute façon, même s'il aurait essayé, il se serait épuisé mentalement. Puis, il entendit un rire très court, appuyé, et surtout ironique. Les mains rudes lâcha sa tête d'un côté.

- Mehd! Espèce de goblin ailé, viens ici! T'as mal foutu ton boulot! C'est quoi le truc de me refiler un prisonnier blessé, hein? lança la geôlière.
- De quoi, un prisonnier blessé? Tu m'traites d'incompétent, grosse Bworkette mal léchée? répondit une voix masculine distante, visiblement irrité.
- Tu ferais mieux de venir, avant que je condamne ton avenir familial!
- Bon ça va, ça va... J'arrive! maugréa Mehd.

Un déplacement de chaise, suivi de quelques parjures agréablement bien formulé à l'endroit se fit entendre, avant que des bruits de pas ascendants parvinrent aux oreilles de Malagar. On ne pouvait pas dire qu'il était choyé par la situation... Mais malgré la brutalité très brève de l'intervention, il avait presque le sentiment qu'il était important. C'était bien entendu une pensée ironique, la seule chose honnête qui lui traversait par la tête, c'était de sortir d'ici. En maugréant, l'Eniripsa fit son entrée dans la salle, avec un air qui bien entendu ne laissait pas à rigoler. Il souffla sur une mèche de cheveux noire qui lui tombait en plein milieu du visage, avant de s'approcher. Malagar leva les yeux, en espérant peut-être voir ce qui se passait, mais en vain.

- Bon, qu'est-ce qui s'passe qui ne fait pas ton bonheur...? demanda avec un ton détaché l'Eniripsa

La geôlière tourna lentement son regard dans la direction du soigneur. Mehd Syn croisa les bras, s'appuyant de façon nonchalante contre le cadre de pierre, à l'entrée de la cellule. Il n'était pas très grand, pas très intimidant encore. A la lumière des torches enflammées qui ornait les murs, ses cheveux d'un noir cendré n'avait pas l'air très propre, et pour cause : Il ne se lavait qu'aux trois jours. Une mauvaise habitude qui ne faisait pas le bonheur de tout le monde à l'intérieur de l'étrange endroit, mais il ne s'en préoccupait guère. Il roula des airs, et secoua la tête lentement, fouilla dans la poche de son large pantalon. Le saros qu'il portait comportait des traces de sang séché. Il ne prenait pas la peine de le nettoyer et cela se sentait à vue de nez. Il était particulièrement difficile de discerner si il avait opéré des gens, ou s'il avait fait de la boucherie précédemment. Malagar aurait eu du mal à s'imaginer que ce type, à l'allure déplacé et mauvais, ait pu le soigner. Du moins, s'il était capable de lever la tête. Il se rappelait toujours la mise en garde de la gardienne. Même si certaines langues de Serpentin lui dirait qu'elle ne lui servait à rien, il voulait par dessus tout garder sa tête (Les cheveux compris). Mehd lança un air vaguement désintéressé vers Malagar, et poussa un soupir.

- C'est ce... truc, le problème? Il a quoi, c't'andouille?
- Il saigne des oreilles. Je crois que t'as mal fait ton travail.

Visiblement vexé dans son propre ego, il s'empressa de se diriger en direction du Iop, qui n'avait pas bougé d'un poil. Le seul bruit constant qu'il produisait, c'était une respiration soutenue, forte, pleine de vie. Rien qui puisse présager une quelconque blessure mortelle. Pourtant, le sang coulait lentement, voire presque pas, de ses oreilles. Le toubib leva un sourcil et s'agenouilla. Malagar ne tenta rien, et resta passif. Il sortit une main hors d'une manche, de son saros qui était manifestement légèrement trop grand pour lui, et posa une main étrangement délicate sur la tête du Iop. La paume s'illumina d'une lumière bleutée, somme toute assez puissante pour éclairer un faible rayon autour de la main. Ce fut un Eniripsa interloqué qui regarda la geôlière d'un regard à la fois curieux et surpris.

- Tu l'as frappé sur la tête? demanda le médecin d'allure frêle.
- ... Je ne l'ai pas touché.
- Il s'est frappé la tête contre le sol? Il a pensé trop fort, peut-être? insista Mehd.
- Mais comment veux-tu qu'il s'inflige ça en pleine inconscience?

L'Eniripsa flemmard marqua le moment d'un silence prolongé. Il fronça des sourcils et tourna la tête vers le Iop. Cependant, un petit rire s'échappa de ses minces lèvres, et il secoua la tête. La femme brutale (Et fatale, selon certains prisonniers), interloqué, colla un gnon sur l'épaule du toubib, d'habitude plus effacé.

- Je peux savoir ce qui te fais rire, minable?
- Bah, mademoiselle Shika Triss, vous v'nez d'hériter d'un sacré prisonnier à problème! lança Mehd Syn, avec un sourire moqueur. Il se fit coller un pain par la prétendue mademoiselle en question.
- Commence par réponse à ma question, avant que je me transformer en chirurgienne esthétique, répliqua la Sacrieuse, en massant légèrement son poing qui lui a servi a étampé l'Enirispa un peu trop blagueur à son goût.

S'il y avait un détail qui la faisait sortir de ses gonds, c'était bien de se faire parler sur un ton condescendant. Et malheureusement, Mehd Syn était le type tout indiquer pour utiliser ce genre de comportement. Seulement, la forme physique de l'homme laissant à désirer, elle sait et aimerait fortement lui donner une bonne correction. Pourtant... Elle savait très bien ce qu'il l'attendait si elle laissait ses poings parler à sa place. Mais elle avait beaucoup de mal à se contrôler, étant impulsive. Mais ça lui faisait un grand bien, car le geste lui procurait la satisfaction de lui avoir fermer le clapet, et bien sûr, la petite douleur subtile aux jointures qui la ravissait tellement. Il n'y a rien de mieux que les petites choses pour procurer un certain bonheur. L'Eniripsa grommela quelques injures à basse voix, tandis qu'il massait sa joue.

- Hmph! Bon, ça va, ça va, j'ai compris... lança faiblement Mehd, en grognant légèrement. Ton locataire, je ne sais pas ce qui s'est passé, mais il y a un truc au niveau de sa tête qui me laisse perplexe, dit-il, tout en regardant un Malagar interloqué par la tournure des évènements.
- Et ça veut dire...? Arrête de tourner autour du pot, veux-tu? répliqua Shika Triss, manquement vraisemblablement de patience.
- Ton jouet, il a un problème dont j'n'arrive pas à déceler la cause, répondit le médecin aigri en pointant du doigt. On dirait que ce type a subit un traumatisme crânien, avec possiblement des lésions internes. Le sang qui lui a sortit des oreilles, c'est la pression sanguine à l'intérieur du crâne qui est devenu trop forte. Il y a sûrement eu une rupture aux niveaux des vaisseaux capillaires, dans le cerveau... Mais c'est étrange, parce qu'habituellement, les Iops... Bah, ça n'a pas de cervelle. C'est un drôle de spécimen, je dois dire.

Malagar soupira en silence après le commentaire, levant son regard au plafond. mais le tout discrètement. Il n'avait pas trop comprit le raisonnement technique du soigneur, mais ce n'était pas la première fois qu'il entendait ce genre de trucs sur les Iops. Il resta tranquille. Un geste considéré de travers, et il perdait la tête, au sens propre. Docilement, il reposa la tête sur la pierre, rendu tiède en raison de sa respiration.

- Et tu ne sais pas... Pourquoi il a ce... truc-machin-chouette dans la tête? demanda Shika, un peu déboussolée.
- Absolument pas. Aucun signe de heurt, aucun indice. Le saignement a presque cessé, c'est bon signe... Et j'crois pas que ça te dit que je le garde en observation juste pour ses beaux yeux, hein?

La Sacrieuse pondéra le moment avec un silence marqué, et tourna son regard sur Malagar. C'est d'ailleurs à ce moment que Malagar leva les yeux, et se plaça de façon à mieux voir celle qui le gardait en détention. Les regards se croisa, et la geôlière arqua un sourcil, visiblement interloquée. De son côté, le Iop ne put s'empêcher de se demander pourquoi elle avait cet air bizarre, et d'ailleurs se qu'il faisait enchaîner dans un endroit pareil. Il ne prit simplement pas la parole, et baisser le regard. De par sa situation, il était soumit à la volonté de ses gardiens. Il était un prisonnier.

- Je ne vais pas le laisser filer, ça fait trois mois que je n'ai personne dans une de ces cellules. Et comme ça ne risque pas de le tuer... Je peux faire avec.
- Je sens que tu vas bien t'amuser, toi...

Un sourire sadique s'étira sur les lèvres de Mehd Syn, alors que Shika hocha de la tête lentement, en lui redonnant un demi-sourire amusé. Malagar eut tout d'un coup un violent frisson. Il ne voulait pas du tout savoir de quoi il allait s'agir. Il savait déjà cependant que cela n'allait pas être un jeu. Du moins, pour lui. Suivant sa réaction, l'Eniripsa ne put l'aider vraiment, en lâchant un rire tonitruant. Comme s'il se moquait du sort qui était réservé au jeune Iop. La Sacrieuse échappa un léger rictus, avant de se tourner vers Malagar.

- Je vais même commencée ce soir, tiens. On va voir si c'est un dur, ou s'il va s'aplatir à la première séance. Et toi, j'espère que tu vas ne pas me décevoir... Ca serait dommage, hm? Medh, espèce de flemmard, qu'attends-tu? Va chercher mes outils, je ne peux plus attendre, aboya-t-elle à L'Eniripsa, qui ne se gêna pas pour la fusiller du regard, avant de quitter la cellule précipitamment.

Malagar arrêta de respirer à ce moment-là. Une larme lui roula sur la joue, en sachant pertinemment se qui était à venir, face contre terre. Il ferma les yeux lentement, et pria Iop que ceci ne soit qu'un mauvais rêve. Qu'un cauchemar. Mais non. Pourtant, c'était une réalité brutale, qui n'allait nullement lui laisser de chance. Le destin est bien cruel, parfois. Il n'a pas choisi son chemin. Il n'a rien pu contrôler. Rien. Et cela lui tiraillait l'esprit. Et il garda les yeux fermés. Longtemps, les bruits métalliques se rapprochant lentement, mais sûrement. Mais au moins, il ne voyait rien. Que pur ténèbres. Cela était presque réconfortant.
Vermeil, par dessus vermeil. Des oreilles. Partout. Du vermeil. Partout. Un cri, un soupir, un rire.

Douleur.